Participants : Daniel, Francis, Jérôme, Mathieu
TPST : 5h30
Cela faisait un petit moment que cet infidèle de Mathieu (parce qu'également membre du Martel), voulait nous faire découvrir un joli trou situé sur le plateau de Calern et exploré depuis quelques années par le club Niçois. Que voilà un bon plan pour nous autres vieillards du GSV : un bel aven tout équipé à trente minutes à pied des voitures, le rêve du spéléologue en fin de vie, quoi.
Il y a deux semaines eut lieu une première tentative par une météo exceptionnelle et une douceur extrême. Las, notre ami Mathieu (qui avait pourtant déjà fait le trou quatre fois) mit à peu près quatre heures pour retrouver l'emplacement de la cavité, non comprise la pause-déjeuner en plein air avec pinard, café et digestif... Début de démence sénile ? Jemenfoutisme infectieux ? Toujours est-il que ce dimanche-là, après avoir longuement tournicoté dans la garrigue, nous n'eûmes plus le temps de descendre dans le trou. La séance fut donc reportée au dimanche suivant qui s'avéra copieusement arrosé. Puis nouveau report à ce jour où nous fûmes cueillis par un froid piquant sur le parking du CERGA. A 9h30 les quatre fantastiques étaient réunis pour atteindre la cote de moins 180 mètres, objectif initial de la sortie.
Nous nous équipons aux voitures, peu attirés par la perspective de nous dénuder en plein air au bord du trou, les roubignolles délicatement caressées par la perfide bise qui souffle sur le plateau. A 10h15 nous sommes debout à côté de la splendide trappe métallique fermant l'aven : Daniel reconnait la patte de son ami Alain Gomez, découvreur du trou et amateur de belle maçonnerie. A 10h30, Mathieu s'enfile suivi de Dada et de votre serviteur, le prudent Francis fermant la marche.
Exploré jusqu'à moins 300 mètres par la vigoureuse jeunesse du Martel, l'aven de la Baume est une succession de beaux puits architecturaux dont un P32 d'entrée précédant un P20 de belle facture, puis une papardelle de puits plus ou moins modestes entrecoupés de quelques méandres et de boyaux bien recalibrés. Notre objectif de moins 180 mètres correspond à une inquiétante trémie qui garde l'accès au fond et au-delà de laquelle il est hors de question que nous nous aventurions.
Nous mettons à peu près deux heures pour atteindre la trémie car Mathieu s'arrête fréquemment pour faire de petites conférences scientifiques face caméra à l'attention de notre ami François, éminent géologue amateur momentanément empêché de spéléo. Le Président rouscaille pour deux raisons : un. Il est 12h30 quand nous attaquons le casse-croûte, ce qui est beaucoup trop tard. Deux : Francis qui avait apporté un superbe côtes-du-Rhône 2018 Vieilles Vignes a également oublié le tire-bouchon dans sa voiture. Nous déjeunons donc à l'eau froide ce qui n'est pas pour améliorer l'humeur présidentielle. Tout juste si mon café bien chaud servi en fin de repas lui arrache un rictus de reconnaissance. M'est avis que ce malheureux Francis va écoper d'une sanction disciplinaire pas piquée des hannetons à la prochaine réunion. Même votre serviteur y passe : "Tu aurais pu quand même amener ton tire-bouchon, scrogneugneu !" "Mais votre Honneur, me défendai-je sournoisement, ce n'est pas moi qui ai amené le pinard...".
La trémie face à laquelle nous déjeunons est un monstrueux amas de blocs sertis dans une gangue d'argile. Deux misérables étais tout rouillés donnent l'illusion qu'ils peuvent empêcher le bazar de s'effondrer et de couper du monde les malheureux qui auraient eu l'inconscience de passer de l'autre côté. Rien que de regarder la dizaine de mètres (en hauteur) de glaise et de roche instable surplombant le passage et qui ne demandent qu'à se disloquer, il me vient des bouffées claustrophobes.
Tout à nos frissons rétrospectifs nous remballons et attaquons la remontée. Dada passe devant prétextant son grand âge et son emphysème qui sont susceptibles de le ralentir. Je le soupçonne d'avoir surtout une vigoureuse envie de chier car, mine de rien, le Grand Homme a encore de la ressource. Francis le suit mais très vite nous l'entendons pester après son kit qui semble trouver un malin plaisir à s'entortiller dans ses pattes. Je le rejoins et lui propose de souffler un peu car il est rouge comme un coquelicot. Du coup je le double en lui promettant de l'attendre en cas de sortie de puits un peu trop scabreuse. Ce ne sera pas nécessaire car Gomez et le Martel ont fait un beau travail de calibrage et d'équipenent qui rendent ce trou très agréable à parcourir. Je grimpe tranquilou car manquant un peu de pratique cordesque ces dernières semaines et passe le museau dehors vers 15h30. J'y trouve un Dada quelque peu frigorifié qui m'annonce être sorti vers 15h. C'est bien ce que je pensais, il est monté comme une fusée pour aller caguer; mais on ne peut pas lui jeter la pierre : l'eau lui file la chiasse alors que le pinard a tendance à le constiper. Je vous rappelle qu'à cause de Francis le malheureux a été privé de vin ce midi.
En attendant la sortie du père Francis il m'amène à quelques encâblures du trou pour me montrer dans le lointain la baume à flanc de doline qui a inspiré Gomez pour baptiser son aven. Il est rare qu'un spéléo nomme une découverte avec le nom d'un truc situé 200 mètres plus loin. Le Président, comme beaucoup de speléos découvreurs, baptise un trou en lui donnant le nom d'un machin quelconque trouvé à proximité : un préservatif usagé et hop ! voilà l' "Aven de la Capote"... Alain Gomez, lui, est à part, c'est une sorte de poète de la spéléologie qui sait prendre du recul (au moins deux cent mètres...).
Mathieu émerge bon dernier à 16h00 après avoir récolté quelques échantillons de roche à l'attention de l'ami François, puis nous décarrons fissa vers les voitures car le soleil disparaît déjà à l'horizon et la température dégringole de minutes en minutes.
Après moultes reports, le GSV aura finalement eu raison de quelques 180 mètres de ce bel aven, certes sans pinard, mais avec la certitude que la remontée aurait été bien moins agréable avec quelques verres dans le cornet.
Jérôme