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29 mai 2022

Partie à trois à l'aven de l'Enclos

Participants : Daniel, Jérôme, Nicolas
TPASFC (Temps Passé A Se Faire Chier) : 4h45

Le Président avait envisagé cette visite il y a plus de deux ans mais entretemps, le projet avait été victime des miasmes du COVID. Lors de la dernière réunion, Daniel nous l'a reproposée avec un petit brief bien alléchant : pour résumer, cet aven de 117 mètres situé sur le plateau de Calern a été ouvert par l'Abîme Club Niçois au début des années 90 à grand coups de pailles, et il se caractérise par une succession de ressauts et de petits puits entrecoupés d'étroitures débouchant sur un long boyau boueux qui se jette directement dans un puits de 7 mètres puis un dernier de 40. J'oubliais : le départ se fait dans une trémie particulièrement instable. Le Président nous proposa donc d'aller faire un premier repérage afin de :

1) Vérifier la viabilité des amarrages de l'époque.
2) Vérifier si toutes les horreurs décrites ci-dessus étaient vraies.

Au silence sépulcral qui suivit ce topo succéda une volée d'excuses foireuses émanant des quelques membres présents dont nous tairons les noms par charité chrétienne (hein, François...). Souhaitant absolument me remettre à l'entraînement après de longs mois d'arrêt, je me portai volontaire, charge au Président de convaincre au moins un troisième larron. Ce qui fut fait la semaine dernière en la personne du jeune et fringant Nicolas enfin débarrassé de ses examens de fin d'année. Le garçon n'ayant lui aussi pas touché de corde depuis lulure, il comptait sur cette sortie pour se remettre en forme. Il ne pensait pas à quel point...

Le trio se donne donc rendez-vous à l'observatoire du CERGA ce dimanche vers 9h30 et pour une fois chacun est à l'heure, voire carrément en avance. Après la chaleur de ces derniers jours, la température est agréable et les moutonnements nuageux laissent présager de la flotte en fin d'après-midi. D'où cette sentence de Dada : "Faudra se bouger le fion si on veut pas se faire rincer la gueule en sortant". Le Grand Homme pointe un caca de mouche sur une carte d'état-major datant de l'Occupation : "J'ai marqué le trou là, on y sera dans une demi-heure, en avant !". Puis, confiant dans sa mémoire infaillible, il laisse la carte dans la voiture et nous entraîne à sa suite. 

Nous empruntons le GR direction le vieux mas à quelques encablures duquel doit se trouver l'aven de l'Enclos. Et qui dit enclos, dit qu'il faut chercher un enclos de pierres avec un trou à côté. Voyant le Président désorienté et perplexe, nous utilisons donc le principe scientifique de la triangulation et nous partons chacun de notre côté dans la pampa. Nous jardinons ainsi pendant une bonne vingtaine de minutes jusqu'à ce que Nicolas obtienne l'information d'un autochtone juché sur une moto de trial et qui a l'air de connaître le coin. Dix minutes plus tard nous tombons sur l'entrée du trou, plutôt impressionnante. Cette cavité étant visiblement sortie de la mémoire collective et n'étant plus visitée depuis des lustres, Dada a pris soin d'emporter des boulons de qualité, une burette d'huile et un grattoir au cas où il tomberait sur des spits récalcitrants. A côté du trou, un bel enclos dissimule une borie en bon état à l'abri de laquelle nous entreposons nos sacs après nous être changés. Au moins, s'il pleut, tout sera au sec. Le Président descend équiper, je le suis, Nicolas ferme la marche. Nous aurons besoin de deux kits de cordes. Dada et Nico en portent chacun un, je m'occupe du kit le plus  précieux, celui qui contient la demi-bouteille de rouge.

Un passage étroit mène directement à la trémie dite "des romains". Dada ronchonne après un premier spit rétif à son boulon, et manque se prendre par deux fois  une chauve-souris dans la figure, la petite bête ayant visiblement une dent contre les dirigeants de CDS. J'entends un énorme remue-ménage de cailloux puis l'organe présidentiel : "Faites gaffe en arrivant, c'est tout pourri, y a plus rien qui tient, on va tout se prendre sur la figure et mourir enterrés vifs". Effectivement je débarque dans un éboulis instable traversé de quelques étais de chantier rouillés dont dépassent quelques bouts de planches moisies qui devaient jadis retenir la masse de pierres. Le moindre éternuement risque de tout balancer dans l'étroiture qui nous attend au bas du pierrier. La consigne présidentielle est claire : on reste groupir et on attend que le dernier ait désescaladé la trémie avant de s'engager dans le boyau. Ça racle mais ça passe puis on tombe direct sur un P5. Dada l'équipe en ronchonnant contre les acrobates psychopathes de l'ACN qui ont planté des spits n'importe où rien que pour faire suer le monde. Je dois reconnaître que malgré son grand âge, Daniel réussit à équiper dans les positions les plus invraisemblables. Nous enquillons un nouveau boyau étroit avec, au bout, un ressaut plongeant direct. 

Ce trou est épuisant. Il ne faut surtout pas penser aux sorties de puits à la remontée. Nico suit, stoïque, en traînant ses deux kits (le perso et celui des cordes du P40 final). Entre les spits encrassés, les reptations laborieuses et les kits qui se coincent, nous descendons à la vitesse de la limace. Puis arrive un morceau choisi : la descente du P8 avec lucarne 1,50 m en dessous du départ. On vous épargnera les contorsions nécessaires à la manoeuvre. 

Puis à nouveau un boyau puis un P5 puis un boyau puis un ressaut, puis arrêt bouffe. La montre présidentielle affiche midi, j'en ai personnellement plein les bottes, et Nicolas plein les couilles (qu'il a d'ailleurs failli perdre sous le poids de ses deux kits entortillés). Après deux verres de côtes-du-rhône revigorant, Dada nous propose de laisser tomber les puits finaux mais de tenter au moins la traversée du long boyau boueux pour voir si c'est vraiment aussi crade que son nom l'indique. Nico et moi acquiesçons de concert. Comme je suis un peu télé(psycho)pathe, je lis dans l'esprit de Nicolas : "Quel enfoiré ce président, il m'a fait trimballer le kit de corde jusqu'ici pour ne pas l'utiliser, grmblrblr...". 

Un morceau de tuyau étroit plus tard, nous dévalons un beau P14 puis le P7 au pied duquel s'ouvre la fameux boyau boueux. M'attendant au genre d'étroitures merdiques que nous mangeons depuis le début, je suis plutôt agréablement surpris du diamètre d'entrée du conduit (bon, c'est sûr que c'est pas un tunnel de métro). On retire la quincaillerie pour ne pas la pourrir puis on s'enfile à quatre pattes dans le bouzin. C'est un peu gadouilleux au départ mais au bout de quelques mètres, ça s'assèche pile à l'endroit où il faut se mettre à ramper. Une vingtaine de mètres plus loin je tombe nez à nez avec Dada qui m'explique que juste derrière lui s'amorce le P7 au-dessus duquel il est possible de faire demi-tour en faisant attention de ne pas tomber dedans. Nous avons atteint la cote moins 67. L'inoxydable Nicolas me suit dans la manoeuvre. Le stoïcisme de ce garçon est impressionnant. D'humeur égale, il encaisse toutes ces péripéties avec une impassibilité de moine bouddhiste.

Nous ressortons du long boyau qui constitue finalement la seule bonne surprise de cette visite et attaquons la remontée, Nico en premier, moi derrière pour un éventuel coup de main avec ses kits, le Président en dernier pour déséquiper. Comme prévues, les sorties de puits et de ressauts sont acrobatiques, mais comme on s'attendait au pire, on reste philosophe. 

Devant moi, Nico attaque les diverses étroitures en répartissant au mieux ses deux kits. Par deux fois je les lui balance car les passages sont vraiment trop scabreux. Puis cahin-caha nous nous retrouvons devant la trémie maléfique.

Comme nous sommes restés groupés tout au long de la remontée, nous attendons que Dada soit sorti du boyau pour la franchir avec toute la délicatesse possible et éviter ainsi un effondrement total. Debout sur le dernier étai branlant, Daniel nous interroge : "Qu'est-ce-que vous pensez de ce trou ?". Nicolas, magnanime, répond : "plutôt sportif". Je grince : "C'est plutôt un trou de merde, non, Président ?". Le Grand Homme réfléchit deux secondes puis laisse tomber :"Tu as raison". Et là, sous nos yeux ébahis, il donne un violent coup de botte dans l'étai rouillé tout en s'accrochant à la paroi et un torrent de cailloux vient obstruer le fond de la trémie.

"De toutes façons, j'avais pas l'intention d'y remettre les pieds. Garçons, après nous le déluge !"

Aaaaah, comme j'aime ce bel esprit spéléologique où l'on se fout royalement de ceux qui viendront après...

Il est 15h15 quand nous sortons de la cavité et nous arrivons aux voitures secs, les dieux de la météo ayant jugé que nous en avions assez bavé sous terre pour en plus nous envoyer de la flotte.

Jérôme

(Photos de Nicolas)