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16 avr. 2021

Humiliation à la Baume Saint-Pierre

Participants : Jérôme, Sylvain

TPST : 1h40

En ces temps de confinement mou, le rayon de 10 kilomètres limite quelque peu l’exploration de cavités de bonne taille aussi faut-il se contenter de quelques trous de proximité si l’on veut un tant soit peu garder le contact avec le monde cavernicole. 

La Baume Saint-Pierre est une grotte horizontale que je n’avais jamais visitée aussi en ai-je improvisé la découverte avec un mien ami sportif mais néophyte souterrain. D’accès facile, sans corde, c’est la cavité idéale pour une initiation. Du moins le pensais-je...

Rendez-vous est donc pris à Roquefort-le-Colombier vers 10h. Le temps est beau mais frais. Avec le sens de l’orientation qui me caractérise, je fais confiance aux coordonnées UMT fournies par l’inventaire des karsts littoraux ouest, et l’accès le plus court à la grotte se fait au départ de la barrière du chemin des Terres-Blanches côté Colombier. Nous y laissons nos motos et, GPS en main, nous marchons environ 400 mètres avant de trouver les piliers en pierre mentionnés dans le guide. Le secteur est boisé, touffu et quadrillé de murets. La technologie satellitaire me permet de tomber sur l’entrée du A2 (numéro d’inventaire) au bout de cinq minutes de recherche. Je m’étonne moi-même. 

Celui qui a baptisé ça une baume (en l’occurrence un poète du défunt GAS06 de Nice en 1977) avait un certain humour car il s’agit plutôt d’un soupirail de 70 centimètres de large par 40 centimètres de hauteur. L’ami Sylvain me regarde interloqué : « comment on rentre là-dedans ? ». Le garçon est plutôt svelte et en lui désignant ma bedaine, je le rassure : « si mon bide passe, tout passe ». J’évite de lui dire qu’il allait devoir ramper et quatrepatter sur quelques dizaines de mètres sinon il serait reparti en courant. Il est 10h30 quand nous pénétrons la baume. Je précède mon collègue jambes en avant et nous nous retrouvons dans un laminoir au plafond bas d’où pend une forêt de racines chevelues. La surface n’est vraiment pas loin. J’invite mon camarade à pivoter pour progresser tête première et nous voilà parti pour les 70 mètres (annoncés dans le guide) de boyau plus ou moins étroit. Derrière, ça grogne et ça souffle un peu, mais ça suit. Les racines laissent rapidement la place à quelques rares concrétions plus ou moins victimes de coups de casque. Pour un premier contact avec la spéléo, Sylvain est plutôt servi. Il me le fait remarquer en m’assaisonnant de noms d’oiseaux et en faisant référence à des pratiques sexuelles contre nature que j’aurais pu avoir avec des animaux domestiques non-consentants. Si je ne le connaissais pas, je pourrais penser qu’il m’en veut. Nous allons pourtant à un rythme de sénateur, le boyau descend en pente douce et l’argile est sèche. Que demande le peuple ? 

Nous débouchons finalement dans une petite salle au niveau moins treize d’où partent trois ou quatre galeries plus confortables. Le guide mentionnait que l’on peut le plus souvent s’y tenir debout : Sylvain avec son mètre quatre-vingt-cinq n’est pas réellement convaincu. Nous nous retrouvons donc à parcourir ce qu’il faut bien appeler un mini-labyrinthe fait de conduits plus ou moins surbaissées, de cul-de-sac bien concrétionnés, de dortoir à chauve-souris (une douzaine de pensionnaires endormis) et d’un petit puits dans lequel nous nous insérons en désescalade et qui ne débouche sur rien si ce n’est le point le plus bas de la baume à moins vingt-deux mètres. Nous flânons ainsi en papotant comme des perruches. Mon camarade reconnaît que tout cela a un certain charme, mais que, sans être réellement claustrophobe, il a hâte de retrouver son vélo et ses godasses de rando. 

Nous décidons donc de rebrousser chemin et là, l’effet labyrinthe se fait durement sentir car au final, toutes ces ramifications se ressemblent et rebouclent les unes sur les autres. Sylvain, dont je découvre après tant d’années qu’il a autant le sens de l’orientation que Fred, Jean-François et moi réunis, me demande si je sais où on est. Je le rassure en lui disant qu’on est au fond du trou et que tant qu’on a de la lumière il y a de l’espoir. J’étais pourtant sûr de retrouver le chemin facilement d’autant qu’un seau abandonné par un désobeur anonyme fait une balise fort convenable au milieu de ce réseau. Nous rayonnons donc autour du seau en repassant régulièrement dans des endroits déjà explorés. C’est un sketch là, non ? N’ayant pas la coupe topographique sous les yeux, je me souviens pourtant vaguement que la zone ramifiée n’était pas gigantesque (le développement total de la grotte est donné pour 180 mètres). Il faut se rendre à l’évidence : je suis la dernière des brèmes en matière d’orientation souterraine et mon coéquipier ne vaut pas mieux. Il me fait remarquer que si on sort vivant de ce trou, il faudra éviter de se vanter de la dernière partie de l’exploration. J’évite de lui dire qu’en tant que membre du GSV, je suis obligé de faire un compte-rendu le plus fidèle possible pour le blog… 

Ça doit bien faire une bonne demi-heure que nous crapahutons pour trouver la sortie. Après ce coup-là, je ne suis pas sûr que le Sylvain envisage d’adhérer au GSV en particulier et à la spéléo en général. Finalement le salut viendra d’une chauve-souris au sommeil léger que nos passages répétés dans son dortoir a réveillé. La charmante bestiole exaspérée par notre présence et visiblement pressée de se débarrasser de vos serviteurs nous indique tout simplement la sortie en s’enfilant dans une galerie (déjà explorée mille fois) au bout de laquelle l’accès au boyau salvateur nous avait échappé ! La nature est vraiment bien faite et la protection des chiroptères fait désormais partie de mes combats écologiques prioritaires. 

Nous débouchons hors du soupirail vers 12h10. L’ami Sylvain n’en revient toujours pas que nous ayons tourné en rond comme des rats de labo. De retour aux motos nous nous séparons toujours bons amis en nous jurant d’emporter dans nos tombes respectives cet épisode honteux. C’est quasiment chose faite...

Jérôme