24 févr. 2019

Infernet

Présents : Daniel, Pierre et Mathieu
TPST : moins d'une heure sur toute la journée

« Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate », Dante.
(« Laissez toute espérance, vous qui entrez », Dante)

Comme le dit si bien Maître Jérôme, nous avons dû attendre que la moitié du club soit invalide, amputée physiquement, voire mourante, mais désormais nous pouvons faire des trous inédits en toute liberté. La diversité n'est plus qu'un lointain souvenir. Ce n'est pas cette année que nous allons pouvoir prétendre à une subvention.

Ayant mis les blessés en convalescence, les tordus au redressement, les fatigués au repos, et la deuxième moitié de l'humanité au boulot (enfin le seul exemplaire encore valide qu'il nous reste), nous pouvons nous consacrer à une question théologique fondamentale :  l'Enfer est-il chaud ou froid ?

Souhaitant suivre une démarche empirique rigoureuse, l'idée d'emmener les plus brillants théologiens du club étudier l'Aven de l'Infernet me vient tout de suite à l'esprit. Le seul problème, c'est que plus personne ne veut le faire depuis que les pistes ont été interdites à la circulation à la fin des années 90. Autant dire qu'à part le Président, personne ne l'a fait. Qu'à cela ne tienne, il me suffit de demander au Président si il est encore capable de retrouver le trou pour que l'expédition soit programmée pour le surlendemain. L'excellent homme est un tantinet susceptible.

L'Aven de l'Infernet a suscité de tous temps beaucoup de fantasmes. Avec une entrée plutôt large et une belle verticale, il est sensé mener directement en Enfer, ce qui lui a valu son nom. Une autre particularité est qu'il est unique sur le massif. A part lui, il y a juste deux trois petits trous de rien du tout qui se courent après. La karstification est allée voir ailleurs, on dirait. Et pour finir, on peut aussi rajouter qu'il est franchement loin de tout.

En partant de Vence, il nous faut une petite heure pour arriver jusqu'au départ de la piste sur la commune Des Ferres. L'endroit est assez glacial et la route qui y mène est franchement verglacée. Seul le village a été placé sur un promontoire ensoleillé. Les anciens savaient faire preuve de beaucoup de sagesse.

La barrière d'entrée est relevée et le panneau d'interdiction a disparu (enlevé par des personnages indélicats ?), mais comme je ne suis pas très joueur, nous continuerons quand-même à pied. De toute façon, un des effets positifs de la décimation du club, c'est qu'il ne reste plus que ceux qui n'ont pas peur de marcher. Il va falloir en profiter pour faire tous les trous qu'on ne pouvait pas mettre au programme à cause de ça.



La piste s'avère rapidement encore plus verglacée que la route. J'ai eu bien fait de laisser la voiture en bas. On a déjà suffisamment à faire pour rester debout, sans avoir à finir dans le ravin. Comme on passe au bord d'un beau lapiaz, Pierre est soumis à la tentation de prospecter, mais nous réussissons à le ramener tant bien que mal sur le droit chemin.

C'est une fois arrivés au canal du Végay que les choses sérieuses commencent. Si tous les chemins mènent à Rome, ils évitent aussi soigneusement l'Infernet. Pour aller en enfer, il faut vraiment le vouloir. Le minimum est de savoir lire une carte d'état major. Ne rigolez pas, beaucoup de gens se sont déjà ridiculisés sur ce point. Ensuite, il faut choisir un itinéraire. Mais, trop tard, le Président a déjà filé droit sur les premières barres à prospecter. La tentation a été la plus forte.

Qu'à cela ne tienne, il est très vite pardonné. Ce petit écart est tout de suite oublié. Et miraculeusement, nous tombons sur une trace qui a bien l'air de mener où nous voulons aller. De temps en temps, des plaques de glace nous rappellent qu'il faut prendre garde de ne pas choir. Puis, on arrive aux terrasses dégagées. Il ne reste plus qu'à suivre celles de gauche pour tomber directement sur un orifice de fort belle dimension. Il n'a pas reçu le nom de l'Infernet pour rien.




Nous nous changeons tranquillement. De toute façon, on n'est pas pressé. On fait juste la descente et on remonte vite sans s'attarder. Quand on passe en enfer, il ne faut pas s’arrêter. En plus, c'est presque l'heure de l'apéritif, même si personne n'a amené à boire. Ce n'est pas grave, nous nous contenterons d'eau claire. Bizarrement, nous retrouvons les vertus de la tempérance.

Le Président va juste commencer à équiper le début, mais pas plus, car il tient à manger dehors. Je lui laisse mon marteau pour casser un peu la glace qui rend la descente un peu dangereuse. A midi, il est déjà ressorti. Nous pouvons attaquer le repas. Il y a un beau soleil. Ca aurait été dommage de s'en priver.






En guise de digestif, nous attaquons la descente dans l'Infernet. Le Président passe en premier pour finir d'équiper. J'attends qu'il se mette à l'abri pour descendre à mon tour. J'en profite pour faire quelques photos. Vu la taille du monstre, il n'y a pas besoin d'éclairage, la lumière du jour descend jusqu'au fond. Le Président semble minuscule. On le reconnaît à peine. On aurait pu le prendre pour le Roi Minos qui nous attend à l'entrée...






Je rejoins le Roi Minos, qui commence à ressembler à une statue, pour me mettre à l'abri avec lui. Pierre attaque alors la descente à son tour. Le Président-Roi Dada-Minos se dépêche de filer à l'étroiture qui commande la suite pour se mettre au chaud, mais celle-ci ne veut visiblement pas de lui. Il a dû grossir, ou alors c'est qu'il s'est un peu raidi... Mais en insistant bien, il réussit à passer quand-même.







Pierre me rejoint. Nous passons l'étroiture l'un après l'autre. Elle est bien, mais sans être franchement exceptionnelle. Tout le monde arrive à passer. Il en est tout autre de la suite. Le Président est perché en haut d'une escalade et il trouve que la descente va être un peu engagée. Le sage homme étant de bon conseil, je préfère en rester là. Ce n'est pas trop l'endroit pour s'amuser à tirer le Diable par la queue.




Pierre ne se laisse pas impressionner. Il maîtrise l'escalade. Il peut me raconter en direct ce qu'il y a là-haut. On peut voir un lac en contre-bas, mais il faut une corde pour descendre. Il y a aussi une petite salle bien concrétionnée. Il faudra donc que je revienne une prochaine fois avec quelqu'un de suffisamment charitable pour mettre une corde.

J'ai vaguement songé un moment à aller chercher le marteau pour tailler des marches, mais vu l'importance du réseau au-dessus, je me suis dit qu'ils seront redescendus avant que j'aie passé l'étroiture dans les deux sens. Je dois avouer, je n'ai pas eu la foi.

Cela dit, même en prenant tout leur temps, ils sont de retour relativement rapidement. Vu les risques de chute à la descente, je m'éloigne suffisamment pour ne pas être victime de la Loi de Newton. Ce n'est pas une bonne idée d'avoir un accident derrière une étroiture dans un trou aussi froid.




Pour la peine, je remonte le puits en premier sans trop m'attarder. Cependant, même en brûlant des calories, j'ai la désagréable sensation que mes mains sont en train de geler. Je ne croyais pas que ce soit possible à la remontée, j'ai compris mon erreur. Quand je pense que j'ai laissé les sous-gants en soie à l'extérieur avec tout le nécessaire de survie, je n'ai plus qu'à battre ma coulpe pour me repentir de mon inconséquence. Aux innocents, les mains pleines d'engelures...

C'est avec un réel soulagement que je retrouve un soleil bienveillant et miséricordieux. Le sang circule à nouveau dans mes mains. Je suis sauvé. J'ai échappé aux tourments de l'Infernet.

Pierre est libéré peu de temps après, ce dont je ne doutais pas. Par contre, j'ai comme une vague inquiétude en ce qui concerne le Président. Le pauvre homme commence à geler en dessous de 12 degrés, autant dire qu'on est là très largement en dessous du zéro présidentiel.  Il risque de rester figé sur la corde jusqu'au printemps.

Ce ne sera pas nécessaire de revenir quand il fera plus chaud. Le Président est comme les chats, il a droit à sept vies. A ma grande stupéfaction, il ressort comme si de rien n'était. Heureusement pour lui, il ne s'est pas rendu-compte de la température de ce trou, ce qui lui aurait été fatal.

La visite de l'Infernet ayant été relativement courte, et puisqu'il fait un beau soleil dehors, le Président pense en profiter pour retrouver une cavité non-répertoriée de 40m qui se trouve à proximité, et que Gérard lui avait montré la dernière fois en 1994.

Pour faire court, on va y passer l'après-midi sans jamais la trouver. On a juste vu les deux petits trous qui traînent dans le coin. La prochaine fois que je croise Gérard, il faudra que je lui demande si c'est vrai cette histoire ou si il nous a sorti un bon gros mensonge pour pouvoir prospecter un peu. Il aurait pourtant dû savoir qu'il valait mieux laisser toute espérance...

La redescente se fait sans problème. La trace arrive bien jusqu'à la piste du Végay. Maintenant, nous savons où elle commence. Pierre est chargé de bien mémoriser pour la prochaine visite dans 25 ans. Nous comptons sur lui.





Le bilan de la journée est plutôt positif. Nous avons pu montrer que l'Infernet est glacé et qu'il s'agit bien du neuvième cercle, Dante avait raison. Par contre, nous n'avons pas pu expliquer comment il a fait pour se retrouver dans ce coin perdu au lieu d'être resté tranquillement au centre de la terre. Plus inquiétant encore, nous n'avons trouvé aucun de ses occupants habituels : Caïn, Anténor, Ptolémée, Judas... On pensait en avoir terminé avec la théologie, mais maintenant il va falloir en plus déterminer si les traîtres sont restés impunis ou si ils ont été pardonnés. On n'en finira pas..

Mathieu

17 févr. 2019

Le GSV ou GSI au Riccounaum

Présents : Daniel, Mathieu et Pierre.
TPST : environ 3h

Le GSV subit depuis quelques mois une véritable malédiction. Tout commence avec Ondine privée de spéléo à cause de son genou. Un mois plus tard, c’est le tour de notre ami Jérôme qui a décidé de se mettre hors-jeu à son tour, s’abimant également le genou en effectuant des acrobaties à ski. Enfin, le vénérable Bernard ayant quelques soucis de santé ces derniers temps est lui aussi privé d’aven. Les sorties club deviennent de plus en plus incertaines. Certains membres du Groupe Spéléologique de Vence évoquent même l’ouverture d’une structure départementale : Le Groupe Spéléo des Invalides. 

Nous sommes trois à avoir répondu présent à l’appel des abîmes karstiques. Mais la malédiction frappe une nouvelle fois le matin même de la sortie. Un faux mouvement me bloque le dos en chargeant la voiture. Je rejoins donc Dada et Mathieu avec un poignard qui me chatouille le dos. Une fois réunis, nous prenons la direction du bois de Gourdon sans dire du mal des absents. Pour ce dimanche Daniel a décidé d’aller voir le résultat des dernières explorations de l’ASBTP dans  le Riccounaum.


Une fois au bord du trou, Mathieu nous présente ses nouvelles acquisitions : une culotte de protection en PVC afin de préserver son postérieur, une paire de genouillères (je me demande comment il a pu s’en passer pendant tout ce temps) et une lampe scurion à lumière chaude toute neuve pour de la photo de qualité.

Il est environ 10h15 quand nous commençons la descente et à seulement trois, la progression se fait plutôt rapidement. Le trou et vraiment beau, quelques passages étroits au début qui se passent sans difficulté car bien calibrés et plus l’on descend, plus les volumes augmentent avec de beaux puits de 30 et 40m pour les plus grands, ouverts sur une faille. Force est de constater que ces puits sont de toute beauté. Mathieu teste alors son nouvel éclairage en effectuant quelques clichés. Il faut avouer qu’on a l’impression d’être éclairé par une véritable acéto ! Ils sont fort ces Helvètes.







Une fois tout le monde en bas des puits (vers -160m) Dada part explorer les parties du trou qui lui sont inconnues. Les passages à l’égyptienne me foudroyant le dos, je laisse Mathieu suivre le président. Nos deux explorateurs auront la joie de voir de belles aragonites blanches dans une galerie de bonne taille et effectuer de petites escalades.








A leur retour, j’annonce au président qu’avec le froid mon dos est en train de se bloquer. Je laisse donc le duo présidentiel manger tranquillement et commence la remontée. En haut d’un des grands puits après avoir passé le petit balcon un doute m’habite : ai-je bien relancé la corde du puit précédent embarqué par mégarde. Je décide d’attendre un peu pour être fixé. Au bout de quelques minutes la voix du président répondra à l’appel, parfait. Nous remontons tous sans trainer. Je pointe le nez dehors à 13h20, suivi par Dada 5 minutes après, notre photographe et son acéto électrique pointe à 13h40, ce fut une visite éclair.

Comme prévu, une fois refroidi le dos est complètement bloqué, il est alors plus que temps de prendre tranquillement le chemin du retour. Sur le trajet le président prend le temps de me montrer une entrée de trou étroite et une fois rendus au parking chacun rentre chez soi.

Pierre

3 févr. 2019

La baume qui remonte

Présents : Daniel, Jérôme, Mathieu et Pierre.
TPST : 3h30

Pour ce dimanche, Dada a proposé au GSV la visite officiel de son dernier bébé souterrain, dont l’exploration est toujours en cours. C’est en 2013 que Dada trouve un petit trou le long d’une barre rocheuse du Baou des blancs à Vence et met le trou en attente pendant 5 ans. En 2018, Dada décide de retourner voir ce que pouvait donner cette petite baume avec courant d’air, et il ne sera pas déçu puisqu’à ce jour la cavité présente 303m de développements et quatre entrées.

L’effectif pour cette visite filmographique est quelque peu restreint. Seulement 4 personnes.

Nous nous regroupons tous dans la Jérômobile, pour rejoindre le bas du Baou. Après avoir bien poncé son carrosse sur le bombé de la chaussé, Jérôme constate que son sac et bien trop lourd à son goût malgré l’absence de toute la quincaillerie dévolue à la progression verticale, et « cerise sur le pompon » le cameraman officiel du GSV se fracassera le crâne sur le panneau de signalisation du sentier quelques minutes plus tard. C’est donc à moitié sonné que l’homme commence les 45 minutes de marche d’approche de la cavité : « décidément la journée commence bien ».






Une fois arrivés devant la baume de l’oignon sans que personne ne se soit cassé la gueule pendant la descente entre les barres rocheuses sur une trace un chouia scabreuse, chacun se change dans son coin. Puis nous entrons à la file indienne dans la cavité pour rejoindre directement la grande salle du champignon. Nous laissons nos victuailles ici et filons le train présidentiel pour commencer la visite.






Tout au long de notre périple nous pourrons constater que la cavité est très bien décorée. Nous commençons par visiter les parties basses du trou. Les fortes pluies récentes se font sentir, de nombreux goutte-à-goutte sont présents, notamment dans l’une des salles inférieures où je sers de contrejour pour immortaliser une coulée de flotte allongé derrière une stalagmite. Le temps que Mathieu capture la chose avec son appareil me voilà le dos trempé et le visage aspergé d’eau avec la mauvaise impression de m'être fait pisser dessus. Je passe une première étroiture avec Mathieu pour observer quelques concrétions puis nous continuons le chemin menant au fond du trou.




Plusieurs passages bas et/ou étroits demandant une certaine agilité nous font rêver des performances de  gymnastes des pays de l’EST telles que Nadia Comaneci, mais la réalité vient nous gifler le visage quand vient le moment de passer la dernière étroiture pour nous faire regretter nos régimes alimentaires beurrés et nos échines rigides. Cette magnifique étroiture de première menant au fond du fond du trou me fera  mugir tel un bœuf, bien loin de la grâce de la gymnaste sus nommée. C’est en constatant l’étroitesse de l’étroiture que notre toujours pertinent Jérôme se demande si notre président ne se Mellotiserais pas avec le temps. Pour les novices, M. Christian Mellot imminent spéléo du département est connu pour ses très nombreuses trouvailles souterraines avec un certain gout pour les passages étroits. Une fois l’étroiture passée dans les deux sens, force est de constater qu’au final ces passages peu agréables participent aux charmes de notre activité favorite (tant que ça passe). Une fois les parties boueuses du fond vues, il est temps de retourner à la grande salle afin de manger au pied du champignon géant. Le trio présidentiel valide la cavité en sirotant une bonne bouteille de rouge, puis évitera la torpeur alcoolique à grand coup de café.














Dada finit de nous faire le grand tour en nous faisant passer par toutes les entrées de la cavité. Sortie par l’entrée historique avec son goutte-à-goutte en milieu de boyau terreux, nous allons jeter un œil à la petite grotte C9 non loin de là, puis  rentrons à nouveau dans la baume qui remonte par l’entrée haute avec son boyau bas de plafond. Daniel part ensuite faire trois tirs de calibrage pendant que Jérôme et Mathieu remarquent que nous venons de réaliser une triple pénétration. Entendant ses troupes divaguer dangereusement le président décide d’effectuer son premier tir sans sommation manquant de peu de nous rendre complètement sourds.  Une fois les déblais des tirs évacués, et avoir constaté la mine satisfaite de notre président, tout le monde regagne la lumière du jour et nous rentrons tranquillement en direction de Vence après cette bonne petite sortie. 

Pierre