21 juil. 2019

Mou du genou aux Chardons Bleus

Participants : Daniel, Jérôme, Mathieu
TPST : 5h

M’étant fait au ski une méchante entorse au genou en février 2019, je me vis privé de spéléo pendant près de 6 mois, le temps que le bazar se remette plus ou moins en place. Le Comité Orthopédique du GSV sous la présidence des Professeurs Dada et Mathieu ayant estimé qu’il était temps de tester ma rotule pour me délivrer (peut-être) un certificat de reprise, il fut décidé que nous me traînerions ce dimanche à l’aven des Chardons Bleus. Ce trou, découvert par le GSV en 1987, se caractérise par une série ininterrompue de puits à même de mettre à mal le genou le plus robuste.

Il est dix heures quand les deux charlatans et leur patient se retrouvent à Caussols et près de 11 heures quand l’équipe médicale s’enfile dans l’aven. La spéléo c’est comme le vélo, ça s’oublie pas, sauf que, une fois au bas du P17, je m’aperçois que j’ai oublié mon bloqueur de pied à la voiture. Ce petit accessoire étant pour moi le graal de l’ascension plan-plan de tout gouffre qui se respecte, je dévale les 148 mètres de dénivellation avec l’appréhension de la remontée. Comment vais-je faire sans mon indispensable gadget ? Quid de mon genou improbable qui va devoir bloquer la corde sur la pédale ? Dans quel état vais-je arriver en haut ? Est-ce que le brancard mou du spéléo-secours pourra éventuellement me récupérer à la cote – 148 ? Toutes ces questions existentielles me tournicotent à l’intérieur du ciboulot tandis que le Président, imperturbable, équipe de main de maître le trou qu’il a lui-même découvert trente-deux ans plus tôt. Mathieu me fait même remarquer qu’il l’équipe de façon quasi-fédérale en multipliant les amarrages et en recourant le moins possible aux fixations naturelles. Nous subodorons que, pour briguer un second mandat à la tête du CDS06, il tente de s’attirer les bonnes grâces de la Fédération…

Nous babillons allègrement tout en descendant les beaux puits non concrétionnés, mais aimablement calibrés. Au bas du P30, Mathieu me montre une anfractuosité dans laquelle le père François (excusé pour cette sortie) avait réglé un problème urgent de chiasse lors de la dernière expédition. Nous nous recueillons un moment devant les restes du Saint-Homme et poursuivons la descente sous les encouragements du Président : « Vous allez quand même pas rester plantés devant la merde de François, allez, bougez-vous, on doit attaquer le repas à 12h30 ! ». Pas de chance pour Daniel, il est quasiment 12h45 quand nous touchons le bas du dernier P29. Lorsque je lui demande pourquoi nous ne descendons pas à la cote finale de 160, il me chuchote que, non seulement en bas c’est de la bouillaque infâme, mais qu’en plus, les spéleos de passage aiment bien à pisser du haut des quinze mètres du dernier puits… Effectivement, ça calme. Nous déboucherons donc là la demi-bouteille de Côtes-du-Rhône que j’avais apportée pour fêter mon retour sous terre. Après 6 mois d’abstinence éthylique souterraine, le Président a l’oeil qui frise, même s’il me fait remarquer, l’air de rien y toucher, qu’un flacon de 75 cl eût plus été approprié à l’importance de l’évènement.

Nos agapes vite expédiées, il est temps de procéder au test grandeur nature de résistance de mon genou gauche et, sans bloqueur de pied, et la boule au ventre, j’attaque la remontée. Lorsque j’arrive au bas du P40, je m’aperçois, consterné, que le genou va plutôt bien, malgré les sollicitations multi-axiales que je lui inflige, mais que côté poumons, je suis au bord de l’étouffement. Je vais donc finir l’ascension en mode « phtysique-tuberculeux », c’est-à-dire avec une pose tous les cinq mètres. Dans le silence sépulcral qui règne ici-bas, et au milieu de mes halètements, j’entends le corps médical qui persifle quelques mètres plus bas : « tu trouves pas qu’il est encore moins rapide que l’ami Fred ? ». Je reconnais la voix mielleuse de cet empaffé de Mathieu. Vexé comme un pou, je prends sur moi d’escalader un peu plus prestement les cinq derniers puits qui me séparent de la sortie. Las, l’orgueil ne peut supplanter longtemps la faiblesse physique et c’est hors d’haleine que je me traîne comme une limace hors du puits d’entrée. Il est alors 15h45. Mathieu me suit cinq minutes plus tard et il sera 16h06 quand le Président passe la moustache hors du trou en soufflant et en geignant. Tiens, ne serais-je pas le seul à souffrir d’un manque d’exercice ? Je garde ma réflexion pour moi et guette avec anxiété le verdict du Président du Comité Orthopédique du GSV. Les deux carabins d’opérette me signifient alors avec toute la solennité dont est capable le GSV que je suis apte à redescendre sous terre moyennant une fréquence accrue des sorties spéléo. Ca veut dire que : un, je vais devoir améliorer mon taux de participation aux sorties club et deux, ne pas oublier de préparer plusieurs bouteilles d’avance.

Cette discipline est décidément un gouffre sans fond…

Jérôme

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