7 juil. 2019

Aven du Fourchu

Présents : Daniel et Mathieu
TPST : 5h01

Au GSV, les temps sont durs. Il ne reste plus grand-monde pour sortir le dimanche et en plus il fait chaud. Mais comme on ne va pas se laisser abattre et qu'on n'est pas superstitieux, j'ai proposé à Daniel d'aller rendre une petite visite au Fourchu. J'ai glissé le mot bouteille au milieu de la phrase. Il a dit oui tout de suite.

On n'est pas superstitieux, mais tout bien réfléchi, ce trou a quelque chose de spécial, comme une présence... maléfique ? A chaque visite que j'ai faite là-bas, il y a eu comme un détail... quelque chose qui aurait pu vraiment mal se passer...

Aujourd'hui ça commence mal d'entrée de jeu. A Vence le temps est à l'orage. Le tonnerre gronde. Sur la route, il fait de plus en plus de vent. Mais heureusement, au-dessus de Gourdon, ça va un peu mieux.  On aurait pu pousser un ouf de soulagement. Sauf qu'une fois sur place, on ne peut que constater que le parking a été transformé en décharge sauvage et qu'on peut à peine garer la voiture. Serait-ce la marque d'une soumission au Démon ?

Nous nous changeons rapidement avant que l'orage ne vienne faire un tour par ici, et nous gagnons l'entrée du trou. Le Président regarde sa montre et déclare : "Entrée 10h07 !". Puis après un moment d'hésitation et avec un sourire en coin : "1007, ne serait-ce pas l'année de naissance de Saint Pierre Damien ?". J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour l'érudition de l'excellent homme, mais ayant parfaitement compris où il veut en venir, je l'arrête tout de suite. Maintenant que le législateur a légiféré pour pouvoir récupérer l'adresse IP des pauvres blogueurs anonymes, il ne faut plus laisser passer aucun dérapage. Si on commence à ressortir des critiques sur l'Eglise du XI-ème siècle, le gouvernement va se sentir visé, il pourrait mal le prendre.

Un peu triste, il me demande : "On ne peut plus rigoler ?". M'en rendant subitement compte, je ne peux que laisser échapper un : "Non, plus maintenant..." .

Je laisse le Président se précipiter dans le trou de dépit. Moi, je descends à un rythme de sénateur pour ne pas briser la précieuse bouteille que Jérôme m'a offert pour mon anniversaire. C'est sentimental, on ne l'a plus revu sous terre depuis, à cause d'un malencontreux accident de ski. Refera-t-il de la spéléo un jour, personne ne peut le dire.

Arrivé après la lucarne du P25, je demande au Président si on peut abandonner le matériel là comme on fait d'habitude pour les balades pépère au Fourchu. Il me réponse par la négative. Il compte profiter de l'absence de boulets pour aller le plus loin possible dans l'amont. C'est une riche idée, mais si la bouteille survit jusque là, c'est qu'il y a un Dieu pour les ivrognes.

Même avec une cavité particulièrement bien ventilée en cette saison, c'est tout dégoulinant de sueur que nous arrivons à midi à l'endroit prévu. La bouteille est intacte, nous pouvons donc servir sans lui laisser le temps de se reposer un peu.

Tout semblait s'être bien passé jusque là, sauf que le Diable se cache dans les détails : le verre en carton présidentiel fuit, ayant été un peu cabossé pendant le voyage. Qu'à cela ne tienne, le Président le rafistole avec de la cellophane. Ca tiendra le temps de le vider.

A la fin du repas, la bouteille est encore à moitié pleine. Nous décidons de la garder pour la sortie. Il faudra donc qu'elle reste intacte même pour le retour...

Nous visitons un peu les amonts et même une partie de la rivière. Mais quand nous arrivons sur une belle vasque qu'il faut traverser sur un matelas gonflable, le Président n'a bizarrement plus envie de continuer. Il faut dire qu'il n'a jamais beaucoup aimé l'eau et qu'une moitié de bouteille nous attend en principe à la sortie.

Nous prenons donc le chemin du retour encore plus rapidement que nous sommes venus. A la base des puits, je bois de grandes gorgées d'eau minérale sous le regard dégouté du Président. Puis je file pour le laisser déséquiper.

Nous sortons à une minute d'écart. Le Président regarde sa montre et déclare : "Sortie 15h08 !".

Puis, après un instant d'hésitation : "1508 ? Ne serait-ce pas cette année-là que Raphaël a commencé l'Ecole d'Athènes ?

L'érudition présidentielle est vraiment prodigieuse, mais là je commence à avoir du mal à voir où il veut en venir et je crains le pire. Il n'y a aucune chance que j'arrive à trouver sur lequel des cinquante-huit personnages il a bien pu trouver un détail piquant. Tout au plus, je peux dire qu'au centre Platon montre le ciel et Aristote le sol.

Heureusement, au bout d'une demi seconde qui semblait éternelle, la lumière se fît. Il ne fallait pas chercher un détail dans la fresque. Le Président voulait juste rappeler qu'une reproduction en tapisserie des Gobelins a été placée en 1879 dans un certain lieu pour que certaines personnes n'oublient jamais que l'Ecole d'Athènes les regarde.

La finesse de vue Présidentielle est implacable. Décidément, le Président ne rigole plus !

Histoire de détendre un peu l'atmosphère, je ressors la moitié de bouteille et les verres cabossés. Le mien fuit aussi maintenant, nous sommes à égalité. Le vin est cette fois franchement secoué, mais nous le boirons quand-même.

Mathieu



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