13 août 2019

Grotte ornée de Pair-non-pair

Participants : Jérôme (GSV) et Philippe (GSV – Girondin et Spécialiste Viticole)
TPST : 50 minutes

Le Président Dada m’ayant sournoisement prié d’améliorer la sélection des crus que j’amène habituellement sous terre (autrement dit, il voudrait boire à la rentrée autre chose que du pichetegorne trois étoiles), je me suis senti obligé d’effectuer un raid de prospection chez un mien ami domicilié au milieu du doux vignoble des Côtes-de-Blaye, en Gironde. Entre deux visites de chais, je tombe sur un panneau énigmatique annonçant la grotte de Pair Non-Pair. Ma fibre spéléologique l’emportant momentanément sur ma mission oenologique, je demande à mon ami Philippe de nous conduire au trou. Il s’agit bien sûr d’une cavité ouverte au public mais ses dimensions sont si réduites (environ 30 mètres de développement pour une hauteur moyenne de 3 mètres que les 8 visites quotidiennes ne peuvent excéder 18 personnes. C’est donc à la bourre (mais à jeun) que nous nous joignons au groupe de 14h30 ce jour-là.

Creusée par la percolation de l’eau dans du calcaire à astéries (cette pierre jaunâtre farcie de petits fossiles utilisée depuis des siècles pour bâtir les maisons dans le Bordelais), la grotte ne comporte aucune concrétion, et se compose d’une salle principale située à l’entrée et de quatre « alcôves » plus réduites disposées autour et vers le fond. Découverte fortuitement à la fin du XIXème suite au coincement de la patte d’une vache dans une anfractuosité du sol, elle était remplie de sédiments divers et variés. On doit à un certain François Daleau, préhistorien du coin, le déblayage et la découverte progressifs des gravures de la « grande » salle d’entrée. Au passage, il collectera quelques milliers d’outils, d’ossements et autres babioles préhistoriques qui sont actuellement exposés dans plusieurs musées girondins.

Habitués de Lascaux et Chauvet, ne vous attendez pas à des peintures rupestres en couleurs. Les Picasso Néanderthaliens qui ont oeuvré ici procédaient par gravage pointilliste (pointeau et massette) de la roche tendre. Si le sieur Daleau a répertorié près de 60 dessins lors de ses fouilles, on arrive péniblement à en déchiffrer une petite dizaine lors de la visite grâce au pointeur laser de la guide et quelques éclairages rasant. A ce sujet, il faut reconnaître que l’exploitant de la grotte ne fait pas trop d’efforts pour améliorer la visibilité des gravures avec sa demi-douzaine de lampes à incandescence préhistoriques délivrant une lumière chiche et jaunâtre. Peut-être est-ce fait exprès pour laisser au guide toute latitude de dévoiler les gravures avec sa torche à LED rasante…

En plissant les yeux, on va donc deviner une paire de mammouths, une paire de bouquetins, une paire de chevaux et une paire de mégacéros, sorte de daim géant aujourd’hui disparu. Je vois venir les humoristes de cabaret qui vont attribuer à cette manie du pair le nom bizarre de la cavité. Et bien non, « Pair-non-pair » serait une déformation du nom d’un ancien propriétaire du terrain au-dessus de la cavité. D’ailleurs même pas un mètre sépare le plafond de la « grande » salle de la surface. Au plafond de cette salle figure un oculus de 50 cm de diamètre dans lequel la fameuse vache se serait coincée la patte. Aux dire des spécialistes, c’était sous la préhistoire, la seule source lumineuse importante de la grotte et cela expliquerait que seule cette salle d’entrée ait été décorée. On ne va pas épiloguer sur la qualité artistique des dessins, on va juste préciser que Pair-non-pair est la troisième grotte ornée découverte dans le monde et que, contrairement aux parc d’attractions que sont devenus les fac-similés de Lascaux et Chauvet, on visite ici la cavité originale (d’où les petits groupes et les visites contingentées).

Dernière particularité : les alcôves en fond de cavité étaient des habitats avec couchettes et foyers où les artistes troglodytes séjournaient à demeure. A priori une tribu complète (de 12 à 20 personnes) habitait la grotte. C’est plutôt unique par rapport aux autres grottes ornées que les hommes de l’époque ne pénétraient que le temps d’exécuter leurs œuvres.

Au final Philippe et moi sommes ressortis de là plutôt agréablement surpris de l’intérêt archéologique de la cavité malgré une mise en lumière misérabiliste et plus assoiffés qu’en y entrant. Ca tombait bien, la prochaine cave était à deux kilomètres et nous allions sans transition passer de 14 degrés celsius à 14 degrés d’alcool...

Jérôme

PS : pas de photos pour cette sortie en raison d’une interdiction de l’exploitant : « vous comprenez, c’est une grotte originale, films et photos sont prohibés ». Allez comprendre...

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