Participants : Daniel, Francis, Jérôme, Sacha, Yannick
TPST : 5h
Après des semaines de temps pourri empêchant toute sortie dominicale, le GSV (Groupe Spéléologique Viticole) retrouve enfin le chemin des sous-sols. Pour l'occasion le Président a convoqué la fine fleur des initiés de frais du club. L'affaire n'était pas gagnée car un déluge s'était abattu sur la région la nuit d'avant.
Nous sommes convoqués à 9h30 au parking du plan des Noves à partir duquel 45 minutes de marche nous seront nécessaires pour atteindre l'aven de la Belle-Borie : 53 mètres de profondeur découpés en quelques petits puits et un P20 terminal. Idéal pour une reprise en douceur et pour la paire Yannick-Sacha (paire et fils) qui ne se voyait pas trop se manger des fractionnements de corde jusqu'à moins 150 mètres. Francis, qui avait un souvenir mitigé de sa dernière expédition au Calernaum, applaudit des deux mains. C'est donc dans un air limpide fraîchement nettoyé par la pluie et sous un soleil bienvenu que nous traversons le plan des Noves au milieu des restanques effondrées, bories et autres bergeries ruinées témoins du passé agro-pastoral du plateau. Comme à son habitude le Président nous désigne deci delà l'un des mille cinq cents trous qu'il a découvert dans le secteur. Son doigt pointe régulièrement quelques touffes de thym par-ci ou un amas de cailloux par là qui dissimulent en général un terrier de blaireau infesté de puces, élargi par ses soins et ne descendant pas à plus de quelques mètres dans les entrailles de la terre. L'aven de la Belle-Borie, avec ses 53 mètres, s'avère être la plus profonde découverte présidentielle sur le plan des Noves.
Il est 10h30 quand nous arrivons à l'aplomb du trou qui, comme son nom l'indique, est situé à une vingtaine de mètres d'une borie à la curieuse architecture géométrique, et dénuée de tout confort moderne.
Nous nous équipons, ce qui permet à Yannick et Sacha d'exhiber fièrement leurs baudriers tchécoslovaques achetés sur les conseils de votre serviteur. Avantage de ces harnais : une vraie taille unique qui convient aussi bien au très svelte Sacha qu'au très confortable Yannick. Francis, pas en reste, nous brandit sous le nez un bloqueur de pied chinois tout neuf qui est une contrefaçon très fidèle de la première génération de Pantin Petzl. Comme ce n'est pas un équipement de sécurité, le Président (gardien du dogme fédéral en l'absence de notre ami Mathieu) l'autorise à l'étrenner sous terre. Ce que Francis, en bonne tête de linotte, s'empressera de ne pas faire en l'oubliant dans sa voiture.
Il est 11h quand Daniel s'enfile dans le trou (déjà équipé de cordes). Francis lui colle au train, suivi de Yannick et Sacha, tandis que je ferme la marche. Nous descendons tranquillement le petit puits d'entrée que nous quittons deux mètres avant le fond pour nous insérer en marche arrière dans un boyau latéral menant au ressaut suivant. Cela donne lieu à d'aimables contorsions et à quelques ralentissements. L'inaction spéléologique récente n'a pas rouillé nos amis et les gestes reviennent naturellement. Nous dévalons une vingtaine de mètres avant de monter en main courante vers l'exigüe mais ô combien concrétionnée jolie salle qui accueillera notre déjeuner.
Entre les champignons, les aragonites, les stalactites et les draperies qui s'élèvent jusqu'à huit mètres de haut (c'est en fait un puits remontant obturé) poser ses bottes et son cul au milieu est une tâche peu aisée : le Président surveille nos mouvements, prêt à excommunier le premier qui niquera une concrétion.
Comme par hasard il est midi tapant quand nous achevons de nous extasier et de mitrailler le décor. C'est l'heure de l'apéro. Francis, réglé comme du papier à musique, débouche un puisseguin-saint-émilion de 2020 qui s'accordera à merveille avec les petits-fours de Yannick.
Le repas se déroule dans la bonne humeur habituelle avec le déglinguage en règle de tous les absents (qui ont de toute façon toujours tort) et de leurs pratiques sexuelles déviantes respectives. A la fin du déjeuner Dada exhibe une bouteille de crémant d'alsace qu'il a apportée pour fêter son anniversaire. J'en profite pour sortir un sachet d'oeufs en chocolats car nous sommes aussi le dimanche de Pâques. Le jeune Sacha me chuchote "C'est rigolo, j'avais jamais remarqué que le Président était coiffé comme un oeuf !". Ces gamins ne respectent rien ni personne. Après le café, Yannick nous sort une fiole médicinale remplie d'un liquide rougeâtre qui n'est pas sans rappeler l'urine sanguinolente d'un malade en phase terminale. Fier de son effet, le garçon nous fait son plus beau sourire d'ancien médecin nazi et nous révèle qu'il s'agit de sa dernière composition à base de rhum et de pétales de roses de Pont-du-Loup cristallisées dans le sucre. Reconnaissons honnêtement que c'est bien meilleur que de l'urine sanguinolente. Et surtout beaucoup plus traître.
C'est donc dans une béatitude toute éthylique mâtinée de nonchalance digestive que nous descendons les deux P5 et P20 terminaux qui n'ont de remarquable que le seul fait de nous faire toucher le fond. Et donc de remonter.
L'alcool ayant un peu brouillé l'ordonnancement de la progression, Francis part comme une fusée, suivi de Yannick et Sacha plutôt du genre limace. L'encadrement fédéral (le Président et votre serviteur) reste à la traîne en finissant de cuver le rhum urinaire. Dada avait naturellement demandé à nos oiseaux de ramasser leurs kits respectifs dans la salle du repas à mi-chemin de la sortie. Soit le Président avait mal articulé, soit le cerveau de Francis n'avait pas imprimé, toujours est-il qu'arrivé pratiquement au puits d'entrée, ce dernier dut redescendre récupérer son sac sous les quolibets de ses impitoyables camarades.

A seize heures la mauvaise troupe était dehors après une remontée sans problèmes au cours de laquelle Yannick put apprécier les bienfaits du bloqueur de pied que je lui avais prêté. Seul Sacha eut à se plaindre de son baudrier des balkans un peu trop lâche qui lui laminait ses tendres roubignolles.
Francis en profita pour se maudire d'avoir oublié son Pantin chinois tout neuf dans la voiture. Il le récupéra pour nous le montrer une dernière fois et je lui demandai quelle était cette mystérieuse marque SOB gravée sur l'engin. Yannick, qui parle plusieurs langues, dont la langue fourrée, nous donna une traduction en anglais ("Son Of a Bitch") et en mandarin ("Petit papillon flatulent s'éloignant dans le crépuscule triomphant"). Dada rassura les deux fétichistes du Pantin (chinois ou original) en leur promettant un nouveau trou encordé très prochainement. Le jeune Sacha marmonna que c'était encore un truc de vieux et que lui n'en avait pas besoin pour remonter tant qu'on lui tenait la corde. Ils sont quand même gonflés ces gosses...
Jérôme
(avec les photos de Yannick et Francis)
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