8 mai 2017

L’embut du Debram : balade sous un évier

Participants : Audrey, Ondine, Christophe, Daniel, Jérôme.


TPST : 5h30



Parmi les Grands Travaux entrepris par le président Dada ces dernières années figure l’exploration de l’embut du Debram à Roquefort-les-Pins (inventorié 105 - F1). La cavité est répertoriée depuis des lustres mais est restée impénétrable à -15m jusqu’en 2012, année au cours de laquelle Daniel et ses acolytes cavernicoles Fred et Christophe ont fini par aller au-delà de la cinquantaine de mètres déjà connus.


Cinq ans plus tard (donc en 2017), après de vigoureux calibrages, la grotte développe près de 400 mètres de galeries et de petits puits (pas plus de 5 m de haut) et est désormais prête à être visitée par une délégation officielle du GSV. Sa profondeur estimée est entre -65m et -70m ce qui en ferait la cavité la plus profonde (restons humbles) de Roquefort les Pins.


En ce lendemain d’élection présidentielle, nous avons donc rendez-vous à 9h30 à Roquefort Notre-Dame sous un beau soleil. Le père Christophe nous a demandé d’apporter une combinaison de plongée afin d’aller se baigner au fin fond du réseau. Il faut dire que l’embut du Debram peut être représenté comme un gigantesque évier dont les spéléologues explorent la tuyauterie : les eaux pluviales du plateau s’engouffrent dans la bonde (l’entrée du trou) puis cascadent dans de petits puits reliées par de menus boyaux (ça rappelle vaguement une enfilade de siphons) et filent à l’horizontale dans un tuyau d’écoulement (type Générale des Eaux) tout pourri, envahi de calcaire et plein d’eau : c’est cette partie-là qui nécessite l’équipement néoprène... Si j’avais détecté à temps le rictus retors qui déforma alors le visage poupin de Christophe, et bien j’aurais pas viendu ! Mais nous en reparlerons plus loin…



Ondine nous ayant rejoint aux bons soins de son chauffeur personnel David, nous filons ensuite à travers bois et nous équipons à quelques encablures du trou.


Les deux filles se pavanent dans leurs combinaisons très seyantes tandis que je m’escrime à m’introduire dans ma vieille combi de canyon. Depuis cette époque lointaine j’ai dû grossir légèrement du bide (bof) et de l’entrejambe (aaaaah) parce que j’ai un mal fou à enfiler le pantalon. Pour la partie veste, on verra sur place. Le président Dada nous observe d’un air narquois car lui n’a pas prévu d’aller explorer le tuyau d’écoulement : il connaît et de toutes façons il préfère le vin à l’eau. J’ai donc été sommé d’amener sous terre une bouteille de côtes du rhône bio. C’est en fait Audrey qui sera chargée du kit contenant le divin breuvage et le Président la met tout de suite à l’aise en lui promettant les pires représailles (dénonciation anonyme auprès du fisc, investiture comme candidate aux législatives sous les couleurs de En Marche ! etc.) si elle venait à casser le Présidentiel Flacon. C’est donc les jambes tremblantes et la peur au ventre que la pauvrette s’engouffre dans l’embut à la suite de ses congénères. Il est 10h30.


La descente s’effectue tranquillement, ce qui nous permet de découvrir le véritable travail de forçat qu’ont effectué le président et son équipe pour réaléser ce qui à l’origine n’était que fissures infâmes. Le quatre-pattes est souvent de rigueur mais les petits puits se descendent facilement en désescalade grâce aux broches métalliques artistement ancrées sous nos pas. Le sommet du pompon de la cerise sur le gâteau est la dérivation de 17 mètres entièrement creusée à la main au-dessus de l’actif pour éviter au visiteur de se contorsionner dans la flotte (on perd l'actif au sommet du petit puits à -12m; on le retrouve vers -35m). Les filles et moi complimentons Daniel et Christophe qui en rosissent comme des collégiennes prépubères.


Au niveau 'moins vingt' Daniel nous convie à remonter par un petit méandre pour découvrir la base d’un puits de 6 mètres relativement bien décoré (et au sommet duquel un boyau mène en haut du ressaut de 5m situé à proximité de l'entrée). Plus loin (et plus bas), nous traversons une petite salle ornée de belles draperies et nous enfilons dans un étroit puits de 5 m, le plus profond de ce trou. Il nous conduit à ce que le Président nous présente être l’ancien camp de base, en l’occurrence une salle encombrée de bouteilles diverses et variées dont il nous explique fièrement les usages : « ça c’est l’eau pour boire, celles-là c’est pour le pipi, et le gros bidon là-bas c’est pour le caca ». Toujours didactique, il nous désigne un trou obscur au fond d’une mare glauque : « Et voilà la perte de l’actif, l’endroit où l’eau de l’embut disparaît ». Christophe, particulièrement en verve, précise que compte tenu de la couleur de la flotte, il s’agit d’une perte jaune ! Les filles pouffent, en connaisseuses. On a de plus en plus l’impression de cheminer sous un lavabo …

La salle peu avant de rejoindre l'actif, vers -30m

Nous débouchons (normal pour un évier) finalement dans ce qui est le joyau de cette cavité : La Grande Salle. Qu’on en juge : Au moins une quinzaine de mètres de haut sur 7 à 8 mètres de large (ces mesures devant être confirmées par une prochaine et hypothétique télémétrie de Christophe) et à sa base un assortiment de petits gours dont l’un recèle des perles des cavernes. Nous sommes à la cote approximative de – 45 m (toujours à confirmer par ces deux feignasses du Disto que sont Daniel et Christophe), il est midi et nous en profitons pour casser la croûte, le tout arrosé du pinard qu’Audrey a victorieusement amené à sa destination : le gosier du Président, essentiellement. Quelques chouquettes écrasées amoureusement apportées par Ondine clôturent le festin. Un pan de la salle est richement concrétionné et à son sommet le moins élevé (8 mètres environ), le Président estime qu’une continuation existe. Derechef, il brandit le nouveau joujou de Christophe (perforateur de compétition 18 volts Bosch pour les amateurs) et se met à poser des broches pour pouvoir escalader la paroi en "artif" et avoir le fin mot de l’histoire. Pendant ce temps les aquanautes en herbe enfilent le reste de leur équipement néoprène pour explorer le « tuyau d’écoulement » terminal. J’arrive à grand peine à remonter la fermeture éclair de mon haut de combinaison et là je sais ce que ressent le malheureux qui vient de se faire plâtrer le buste. Censé faire des images de cette expédition aquatique en filmant mes petits camarades, je me tortille le premier dans le boyau surbaissé. Au bout de quelques mètres de reptation, je manque suffoquer : le moment de panique passé, je réalise que mon haut de combi trop serré me coupe en fait la respiration. En maudissant Christophe jusqu’à la cent-cinquantième génération pour m’avoir fait mettre cette sal...erie de néoprène, je dégrafe carrément le haut et récupère un peu de capacité pulmonaire. Je réalise simultanément que je me suis égaré dès la première bifurcation (en fait, je suis retourné plus en amont, quasiment au début du fameux tunnel creusé par Dada; j'ai donc barboté aller et retour dans l'infâme baignoire que Dada et Fred ont franchi en 1ere et sans combinaison); et c’est sous les quolibets des trois autres que je me retrouve en queue de convoi (après avoir retraversé cette infâme baignoire, remplie d'eau rougeâtre et de boue liquide), le nez dans les bottes d’Audrey. Je vous passe les détails de la progression pénible sous 30 à 40 centimètres de plafond, dans vingt centimètres de flotte boueuse et légèrement rougeâtre (mais heureusement non glacée) et sur environ quarante mètres (dans ce que Dada appelle avec ironie le "laminoir aquatique"). Au détour d’un boyau, je bute sur les fesses d’Audrey et entend Ondine expliquer juste devant que notre ami Christophe n’arrive pas à passer l’étroiture qui nous sépare de la galerie finale (60 mètres en marchant la tête haute !). Ondine nous fait part de son intention d’aller y voir, ce que lui autorise sa taille de guêpe, Audrey et votre serviteur déclinant son invitation. Problème : elle doit passer devant Christophe. A cet endroit, nous avons à peine la place de nous retourner et par je ne sais quel miracle de la physiologie humaine, de la gravité et de la dilatation des corps réunis, ils arrivent à permuter. Dix minutes plus tard, Ondine revient toute guillerette en déclarant qu’il y a effectivement une galerie accessible debout de l’autre côté ainsi que l’avaient dit Dada et Fred, les deux seuls êtres humains à être allé là-bas jusqu’à présent. Nous rebroussons donc chemin, moi en tête. Je vous passe les détails…

Lors d'une séance de désobstruction proche de la surface





Le dernier ressaut menant à l'ancien "camp de base"


Retour dans la grande salle et zoom sur la mine dépitée du Président qui, aussi leste qu’un ouistiti s’est hissé au sommet de sa paroi et a découvert qu’il n’y avait pas d’issue par le haut : il aura donc façonné presque dix mètres d’échelle de broches métalliques pour rien. Au moins, il n’y a pas qu’Audrey, Christophe et moi qui auront été déçus…

Au sol de la Grande Salle, des petites perles...  
Une salle de taille peu commune sous Roquefort

Il est seize heures quand le dernier d’entre nous émerge du trou dans la tiédeur ensoleillée de cet après-midi de mai. Trempés comme des soupes, nous retournons aux voitures où le père David somnole tranquillement au volant en attendant Ondine.

Finalement c’est rigolo de jouer au plombier, mais juré, la prochaine fois ce sera sans combinaison de plongée. Y a pas écrit « Cousteau », là…

Jérôme
 
NDLR: un article plus récent (Octobre 2021) raconte la désobstruction de cet embut par nos soins.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire