19 nov. 2017

Aven Ricounaum

Participants : Ondine, Daniel, Jérôme, Mathieu
TPST : 4h20

Température clémente et beau soleil sont au rendez-vous ce dimanche au Bois de Gourdon, de même qu’une délégation scientifique du GSV emmenée par le Président Dada, son sbire Mathieu, la toujours chatoyante Ondine et votre serviteur.

Thème de la sortie en prise directe sur l’actualité :

« Le harcèlement sexuel en milieu souterrain : mythe ou réalité ? »

Pour éclairer le débat, l’anthropologue Ondine fera à la fois office de caution scientifique et de témoin féminin. La question étant d’autant plus prise au sérieux par le GSV que le microcosme spéléologique est en grande majorité beaucoup plus masculin que féminin, le Président a banni toute dégustation de vin afin de garder l’esprit clair et synthétique. Seul un café chaud est autorisé.

Le décor de l’étude est un aven découvert et toujours exploré par l’ASBTP, caché au fin fond du Bois de Gourdon et dont les travaux de désobstruction butent depuis des années à la cote – 166 m faute de personnel volontaire… A l’origine, nos amis Niçois envisageaient d’atteindre le cours d’eau souterrain dont le murmure discret se fait entendre au fond du trou. Le mystère reste entier mais la cavité est toujours équipée, ce qui sied fort au Président Dada qui en a marre de se taper le lavage des cordes après chaque sortie club.

Nous atteignons l’entrée du Ricounaum vers 9h45 et nous changeons sur place : ce sera le premier atelier. Ondine constate qu’elle devrait, pour éviter de susciter des comportements inadéquats, aller s’équiper à l’écart. Je lui fais remarquer qu’elle doit faire attention où elle met les pieds parce que je venais juste de déféquer dans la zone où elle souhaitait s’isoler… Elle note scrupuleusement cette remarque scatologique et rajoute qu’elle devra renoncer à mettre des dessous en dentelle lors des sorties spéléo. Dada et moi acquiesçons de concert, Mathieu plus mollement...



A 10h10, Daniel est le premier à pénétrer le trou suivi de votre serviteur et d’Ondine, Mathieu fermant la marche. Très impliqué dans l’étude, ce dernier demande si « pénétrer le trou » est une expression qui ne porterait pas à interprétation sexiste ? L’experte Ondine regarde alors ses notes et ne voit pas de double sens dans la phraséologie utilisée. A propos de « double sens », Mathieu, décidément très à fond dans son sujet, tend à y déceler une connotation diablement sexuelle. Le Président, un peu à l’ouest, demande s’il s’agit d’une double pénétration. Je lui répond qu’en fait c’est une quadruple pénétration, vu que nous sommes quatre à investir l’aven, et qu’il devrait commencer à avancer si on veut être à l’heure en bas pour le déjeuner.

Le Ricounaum débute par une série de ressauts étroits qui conduisent ensuite vers un P40 fractionné en 3 fois. De temps à autre un boyau savamment élargi par nos amis de l’ASBTP nous rappelle que le trou ne s’est pas livré aussi facilement aux premiers explorateurs. C’est d’ailleurs à l’entrée d’un de ces boyaux réalésés que Mathieu nous encourage avec un « Enfilez-vous ! » jovial. J’émets alors une observation sur la signification exacte de ce terme : nous enjoint-il à nous accoupler contre nature dans le diverticule sus-nommé, ou nous invite-t-il plus simplement à presser le mouvement ? L’anthropologue Ondine répond que les celto-ligures qui peuplaient nos contrées azuréennes bien des millénaires avant J.-C. pratiquaient déjà les rapports plus ou moins librement consentis à l’abri des regards, au besoin dans des souterrains ou anfractuosités. Lorsque je lui demande si les celto-ligures pratiquaient aussi la sodomie, elle me répond qu’elle ne sait pas parce qu’elle n’était pas encore née à l’époque. Le Président souffle, ce qui dénote une forme d’impatience chez cet homme au visage d’habitude impassible et le groupe s’ébranle.

La descente du P30 terminal constitue la cerise sur le pompon du Ricounaum (il faudra quand même un jour demander à l’ASBTP d’où vient ce nom ridicule…). Autant la cavité n’a présenté jusque là d’autre intérêt qu’une descente plutôt sportive, autant le beau volume et les parois annelées du puits valent le coup d’œil. A peine arrivé en bas, j’entends le bruit caractéristique d’une roche frappant la paroi et tombant vers moi à la vitesse de la gravité multipliée par le carré de la circonférence plus Pi. Flairant la tentative d’homicide involontaire de la part d’Ondine qui me suit, je n’ai que le temps (1 seconde) de plonger à l’abri d’un surplomb, mais mon genou gauche à la traîne ramasse l’impact. Que soit remercié ici le fabricant de genouillère spéléo renforcée dont le produit a protégé ma rotule. Je m’en tirerai avec un bleu. Lorsqu’Ondine me rejoint, je lui demande pourquoi elle a essayé de m’éliminer alors que je n’avais proféré aucune insanité sexiste depuis au moins cinq minutes. Elle me présente ses plus plates excuses pour mon genou, précisant qu’en fait elle visait ma tête. Je lui fais remarquer qu’elle aurait pu m’envoyer un caillou moins lourd (l’engin faisait bien son kilo). Penaude, elle m’avoue qu’elle n’a pas fait exprès et qu’en fait ce puits parpine dangereusement. Je lui pardonne, mais la question essentielle est désormais posée : est-ce qu’une remarque déplacée à caractère sexuel justifie l’élimination physique de celui qui l’a proférée ? Mathieu qui vient de nous rejoindre, répond pour sa part qu’entre la fracture du crâne et l’émasculation, il préfère de loin la fracture du crâne… Le Président qui est revenu sur ses pas nous demande si « on n’a pas encore fini avec nos conneries » et nous invite à nous « bouger l’oignon». Taquin, je lui explique que si Ondine doit se « bouger l’oignon », elle va donner des idées à Mathieu qui va se mettre à baver, etc, etc. J’évite de peu une motte de terre présidentielle à tir tendu et nous nous acheminons vers le terme de la visite.

L’intérêt avec les sorties spéléologiques à caractère socio-ethnologique, c’est qu’on ne voit pas le temps passer. Résultat : à 11h30 on est au fond du Ricounaum. Point encore affamés, nous grignotons distraitement nos casse-croûtes tout en ordonnant les réflexions émises depuis le début de cet étude sur le harcèlement sexuel souterrain. Ondine relit ses notes et énumère ses constats :

- Au GSV, on dit autant de bêtises en surface qu’en dessous.

- Ces bêtises prennent souvent, et par force, une connotation sexuelle car la spéléologie est une discipline où le vocabulaire technique emprunte beaucoup à l’anatomie humaine et à la gestuelle procréatrice (« boyau », « orifice », « cavité », « fistules », « pertes » « s’enfiler », « pénétrer », « désob » (pour « désobstruction » et non pour « des zobs », etc.).

- Ceux qui les débitent en disent plus qu’ils n’en font. Pas étonnant, vu que la moyenne d’âge des spéléologues français tourne autour de 67,5 ans et qu’à cet âge-là...

En conclusion, notre anthropologue distinguée ne voit pas trace de harcèlement dans la pratique des activités spéléologiques, et en tant que (rare) membre féminin du club, elle ne sent pas de tension sexuelle malsaine dans ses relations avec les membres masculins (quand je dis « membres », on se comprend, mmh…), tout au plus une grivoiserie de bon aloi qui n’est pas sans lui rappeler les banquets bien arrosés auxquels s’adonnaient nos ancêtres celto-ligures.

Le Président approuve et Mathieu et moi entérinons le résultat de cet étude menée avec brio et rigueur. Il est donc l’heure de remonter. Mathieu ouvre, Ondine suit, je me traîne misérablement derrière (décidément je manque de pêche en ce moment) et le Président ferme en ronchonnant.

Il est 14h30 lorsque Dada sort du trou. Il se fiche de moi, je suis vanné, Mathieu prend des photos et Ondine glousse : l’ordre immuable du GSV dans toute sa simplicité, loin des débats sociétaux délétères...
Jérôme







 (Avec les photos de Mathieu)

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