17 mai 2020

Déconfinement à l’aven Obscure

Participants : Daniel, Jérôme et Mathieu
TPST : 3h30

Après 2 mois d’abstinence obligatoire, le Trio Spéléologique de Vence se retrouve à Saint-Vallier pour une première sortie souterraine en totale conformité avec les règles sanitaires édictées par le Ministère et la Fédération. La loi imposant des rassemblements publics de moins de 10 personnes, nous sommes largement dans les clous tant il est vrai qu’une excursion du GSV ne passionne habituellement pas plus de 5 clampins…

Nous avons rendez-vous à 10 heures sur place et chacun arrive dans son propre véhicule, le co-voiturage étant pour l’heure fortement déconseillé. Pas de serrage de paluches ni d’effusions baveuses. Nous nous saluons d’un signe de tête en nous surveillant mutuellement pour détecter d’éventuels symptômes chez le voisin. Mathieu exhibe une tignasse post-confinement particulièrement touffue qu’il va devoir traîner encore un moment car son coiffeur ne peut le prendre qu’à la fin du mois.


Le temps est à la pluie et nous attendons la fin d’une averse pour commencer à nous équiper. Pour la caméra, le Président se positionne devant le cimetière de Sainte-Anne et nous donne un cours sur les gestes barrière en milieu souterrain. Il nous présente donc un flacon en plastique rempli d’un liquide ressemblant à de la pisse et marqué « solution nitro-alcoolique » destiné à la désinfection des gosiers.


Il positionne ensuite sur son visage un masque chirurgical fabriqué au Bengladesh à partir de papier cul recyclé et enfile une paire de gants en laine de couleur jaune censés être flurorescents dans l’obscurité en cas de panne de lumière. Le savant homme complète la démonstration en nous demandant de garder une distance d’1,50 mètres en statique et de 5 mètres en déplacement. Cela exclut donc tout rapport sexuel ou manipulations tactiles déviantes...

Daniel nous a choisi l’aven Obscure car estampillé « classe 3 » (une vieille nomenclature des années 2000 oubliée de tous et exhumée pour l’occasion par le Ministère), actuellement seul type de cavité autorisée par la Fédération, à savoir un trou n’excédant pas quelques dizaines de mètres de profondeur sur quelques centaines de mètres de développement et ne présentant pas d’étroitures propices à la promiscuité et donc aux cochonneries propagatrices de virus. De plus l’aven sélectionné doit pouvoir laisser passer une civière en cas de secours sans qu’il soit nécessaire d’élargir les passages d’évacuation. Décidément le Président ne rigole pas. Il précise également que l’Obscure se situant à quelques encablures du cimetière, cela peut faciliter et accélérer l’inhumation éventuelle de spéléos décédés du coronavirus à l’intérieur de l’aven : aussitôt sorti du trou, aussitôt enterré.


Cet homme pense à tout et c’est pour ça qu’il a été brillamment réélu Président du Comité Départemental de Spéléologie des Alpes-Maritimes. Cela a jeté quand même un froid dans l’auditoire et Mathieu et moi nous regardons en nous demandant qui de nous trois est susceptible de laisser sa peau là-dessous…

Ainsi briefés, nous nous dirigeons vers la cavité perdue au milieu des bois et dont l’ingénieux camouflage la rend introuvable pour les non-initiés.


Le Président équipe au moyen de cordes flambant neuves (ce déconfinement prend décidément des airs de renouveau) et le trio dévale les 3 puits menant à la grande salle à moins 60 mètres.


Nous y faisons quelques images des remarquables concrétions, gourds et excentriques qu’elle recèle et nous installons à midi tapantes pour notre premier casse-croûte souterrain déconfiné. Mathieu débouche la traditionnelle demi-bouteille de rouge tandis que le Président tire de son sac deux accessoires nécessaires à un dernier geste barrière : à l’aide d’une paire de ciseaux il découpe une minuscule ouverture au niveau de la bouche dans son masque du Bengladesh et y introduit une superbe paille rose dont l’autre extrémité trempe dans un verre bien plein. Un tel souci du détail en matière sanitaire nous fait monter les larmes aux yeux à Mathieu et à moi : tant que le Club sera dirigé par un homme aussi soucieux de la santé de ses co-équipiers (et surtout de la sienne), il ne peut décidément rien nous arriver.


La demi-bouteille de côtes-du-rhône ne survit bien évidemment pas à l’avidité du gosier présidentiel et Mathieu se sent obligé de nous servir une excellente verveine maison de 2018 dont il nous vante les propriétés antiseptiques et virucides. Daniel et moi-même commençons à tousser bruyamment et c’est à qui se plaindra le plus d’avoir perdu le goût et l’odorat, d’avoir un début de chiasse ou encore de faire de la température. Le bon docteur Mathieu, fidèle à son serment d’Hypocrite, nous sert donc généreusement quelques doigts (propres) de sa potion magique, et quasi-instantanément, nos symptômes disparaissent. Cette fois c’est sûr le coronamachin ne pourra résister à l’impitoyable prophylaxie du GSV !


Après une remontée tranquille au rythme de nos respirations sifflantes de déconfinés de frais, c’est provisoirement en bonne santé que nous nous extirpons du trou entre 14h et 14h30, distanciation sociale et déséquipement oblige.


A la question guillerette du Président demandant quelle cavité nous avons envie de faire la semaine prochaine, le professeur Mathieu, impassible, répond qu’il faut d’abord attendre 14 jours d’éventuelle incubation pour savoir s’il y aura des survivants à la sortie d’aujourd’hui.

Ouch, ça calme…

Jérôme



Le compte-rendu en images qui bougent :





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire