1 août 2021

Résurrection à l’aven de l’olivier

Participants : Daniel, François, Jérôme 

TPST : 2h10, soit presque l'Eternité

Comme convenu quelques semaines plus tôt, le TSV (Trio Spéléologique de Vence c'est-à-dire le GSV en phase terminale) s’est donné rendez-vous ce dimanche à Roquefort-les-Pins pour filmer les jolis volumes concrétionnés de l’aven de l’olivier.

Suite aux travaux d’élargissement menés par Daniel depuis notre dernière visite mi-mai, le trou s’est enrichi de l’accès à un P10 à peine plus praticable que l'anus d'une mouette. A 10 heures pétantes, les trois rescapés du Club répondent présents à l’appel et, le temps de s’équiper, il est 10h35 quand le Président s’enfile dans le P9 d’entrée. J’ai descendu pour l’occasion le camescope HD et les deux torches LED afin de tenter de rendre en vidéo les fistuleuses, aragonites et excentriques repérées la fois précédente. Il manquera quand même les photos artistiques du père Mathieu qui a pris ses quartiers d’été au bled, quelque part là-haut en Savoie.

La cavité se présente comme une grande faille dont le plafond et l’un des pans sont richement décorés, et qui se prolonge par deux puits étroits, l’un de 13 mètres (tout pourri dixit Dada et que nous n’explorerons pas), l’autre de 10 mètres qui, élargi pour l’occasion, nous mènera à la cote moins 30. Nous passons une petite heure à filmer de superbes concrétions dont certaines vont se nicher dans des endroits acrobatiques : j’en profite d’ailleurs pour me casser la figure avec la caméra en main, ce qui me vaut une belle contusion au coude (l’appareil, lui, n’a rien).











 Avant de ressortir, le Président nous convie à explorer le P10 terminal. Malgré un beau travail d’élargissement, le grand homme nous prévient que sur une hauteur de cinquante centimètres le puits se resserre quelque peu, ce qui ne devrait poser aucun problème pour des tailles de guêpe telles que les nôtres.




Daniel passe en premier et je le suis. Après avoir jeté un œil, François décrète qu’il n’ira pas. Il ne nous en donne pas la raison mais je comprendrai plus tard pourquoi… Je passe sans problème le rétrécissement annoncé et me retrouve en bas à côté d’un Dada plutôt pâlot et surtout très essoufflé. Moi-même me surprends à chercher de l’air avec une pesante sensation d’étouffement. Pourtant le fond du puits n’est pas très spacieux mais est loin d’être claustrophobique. Au milieu de mes ahanements d’asthmatique, j’entends Daniel murmurer  « on manque un peu d’oxygène ici, non ? » Tu m’étonnes, on vient de s’immerger complètement dans un bain de dioxyde de carbone ! 

Puis soudain, je me vois en train de lui répondre « ouais, faudrait pas traîner... ». Sans blagues, je plane depuis quelques secondes au-dessus de deux types blafards qui cherchent avec difficulté de grandes goulées d’air. Ca s’appelle de la lévitation extra-corporelle et ça veut dire que je suis en train de mourir ! A côté de moi l’ectoplasme présidentiel doit se faire la même remarque en regardant nos corps physiques se débattre contre l’empoisonnement, juste en dessous. J’observe le Jérôme agonisant réclamer à François (resté en haut) le jumard qu’il avait bien sûr oublié et patienter une éternité avant de le voir glisser le long de la corde. L’instinct de conservation est décidément plus puissant que l’appel du Seigneur. Je le vois s’harnacher pour la remontée avec des gestes plus qu’hésitants, puis s’élever cahin-caha, au bord de l’asphyxie. A côté de moi, le double astral de Daniel me chuchote (les ectoplasmes ne peuvent que chuchoter vu qu’ils n’ont pas de cordes vocales) : « si tu te bouges pas le cul, on va vraiment crever là. Je commence déjà à voir la lumière blanche au bout du tunnel» Je lui réponds que moi aussi mais qu’il s’agit peut-être de la frontale de François au sommet du puits. Cela fait quand même bizarre d’être quatre au fond de ce trou dont deux qui discutent du décès imminent des deux autres. J’observe mon quasi-cadavre passer l’étroiture sans trop de difficultés, n’eût été une respiration sifflante et désespérée. En bas, le quasi-cadavre du Président oscille dangereusement en attendant que j’ai libéré la corde. Puis sans transition je vois François flanquer des baffes à ma dépouille presque mortuaire échouée au bord du puits maudit. Le double astral de Daniel ricane à côté du mien : « tu vas voir que dans deux secondes il va te faire du bouche-à-bouche ! » Aaaargh, cette perspective épouvantable me flanque un électrochoc surnaturel qui me fait réintégrer instantanément mon corps physique plus efficacement que les gifles. Entre deux quintes de toux je repousse aimablement le père François, qui dans sa grande bonté chrétienne allait effectivement tenter sur votre serviteur une réanimation buccale. Puis je lui demande de s’inquiéter de Dada dont le silence, quelques mètres en dessous de nous, est inquiétant. Nous finissons par l’entendre gémir « j’arrive ». A priori le double astral de Dada a lui aussi réintégré la carcasse présidentielle. Rassuré, j’entame la remontée vers la sortie en luttant contre de sournois maux de tête.

Ayant retrouvé avec volupté l’air libre et surchauffé de la forêt de Roquefort aux alentours de 12h45, je vois bientôt se pointer hors du trou le visage rose de François qui contraste avec la face cadavérique du Président, sorti en dernier. 


Notre séminariste déviant nous avoue alors qu’il était déjà oppressé au sommet du P10 et que cette sensation lui avait ôté toute envie de descendre. La nappe de CO² devait donc déjà déborder du puits et Daniel et moi nous sommes laissés piéger comme des rats. Le saint homme ne peut quand même pas s’empêcher de nous parler de Lazare de Béthanie revenu d’entre les morts et, sentencieux, sermonne les mécréants que nous sommes en nous expliquant que « la résurrection, c’est pas de la rigolade ».

Pour une fois, je ne peux que lui donner raison.


Jérôme


Le compte-rendu avec des images qui bougent :






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