1 sept. 2019

Féminixité au Vigneron

Participants : Daniel, Jérôme et Mathieu
TPST : 4h30

Alors que le Forum des Associations Vençoises approche à grands pas, le Président décide de convier les têtes pensantes du Club à un débat souterrain sur un sujet d’actualité : la féminixité (en langage non-fédéral, la parité hommes-femmes en spéléologie). Et quoi de mieux pour y réfléchir que l’aven Vigneron dans lequel Michel Siffre envoya dans les années 60 une dame passer trois mois toute seule sous terre (si c’était pas de la féminixité avant l’heure ça…).

Les têtes pensantes du Club se résumant à trois clampins de sexe masculin en cette fin d’été, nous nous contenterons donc d’une demi-bouteille de rouge afin de garder les idées claires et effectuer un brain-storming fructueux. A 10 heures ce dimanche, le parking de la Moulière est blindé, la faute à une course d’orientation, et la température est printanière sous un beau ciel bleu. Il est 10h30 quand le Président, en charge de l’équipement, s’engage dans le trou. Mathieu et moi le suivons dans la succession de puits et toboggans bien connus, et après un détour par l’exposition de cochoncetés en glaise façonnées par des générations de spéléos déviants, nous cassons la croûte aux alentours de midi.

Entre deux gorgées de côtes-du-rhône, Dada lance le débat : les effectifs de nombreux clubs spéléo, dont le nôtre, étant en chute libre, il faut aujourd’hui faire feu de tout bois pour tenter de recruter de nouveaux adhérents et si possible des filles. Le forum annuel des associations est une source naturelle de recrutement, mais comment cibler efficacement les nouvelles venues ?

Je propose à mes camarades un petit jeu pour structurer notre réflexion : prenons le « V » de « GSV » et faisons-en l’initiale d’une catégorie de spéléologues féminines potentielles susceptibles d’adhérer au Club. Mathieu, toujours à fond, propose le « Groupe Spéléologique des Vierges ». Je fais remarquer à notre obsédé sexuel de permanence qu’entre les très jeunes filles non pubères et les vieilles filles qui n’ont jamais vu le loup, ça exclut beaucoup de demoiselles aptes à descendre sous terre. Le Président acquiesce mais trouve l’idée charmante. Il propose à son tour le « Groupe Spéléologique des Vieilles ». Devant notre air dubitatif, il précise qu’il ne s’agit pas de femmes âgées mais d’anciennes adhérentes du Club que nous pourrions recontacter. Mathieu objecte qu’en cinquante ans d’existence, les membres féminins du GSV doivent se compter sur les doigts des deux mains et les orteils des deux pieds, et qu’entre celles qui sont décédées, celles qui ont déménagé, celles qui ont fui la spéléo et celles dont on n’a plus les coordonnées, ça ne fait plus beaucoup de monde à l’arrivée. Un brin fayot, je soutiens l’idée présidentielle dont j’apprécie le caractère nostalgique. Dans une démarche purement marketing et bien dans l’air du temps, je propose le « Groupe Spéléologique Végan ». L’idée jette visiblement un froid chez mes deux compagnons. Mathieu admet que cela permettrait de recruter une pleine brassée de jeunes adultes féminines entre 20 et 30 ans, mais ajoute qu’il se voit mal renoncer à nos pique-nique souterrains à base de charcuterie, sans parler de nos évènements gastronomiques annuels comme la fondue savoyarde à la chauve-souris et le repas de Noël. Visiblement contrarié, le Président demande si une Végan, ça boit du vin. Mathieu, notre oenologue distingué, pense que non, vu que le vin est « collé » et filtré pour éviter qu’il ne soit trouble, et que le « collage » (opération destinée à agglomérer les particules en suspension) se fait avec de l’albumine, donc du blanc d’oeuf. Et une Végan ça ne mange pas de trucs d’origine animale, CQFD. Je tente le « Groupe Spéléologique des Velues », sachant très bien que Mathieu va me répondre que les filles qui ne se rasent pas ont quasiment toutes disparues après 1968… Ca ne loupe pas et le garçon essaye dans le foulée, et fidèle à ses convictions, le « Groupe Spéléologique des Vicieuses ». Je fais remarquer, que la gent féminine étant souvent d’un naturel plutôt retors, cela risque de faire beaucoup de monde dans la file d’attente : féminixité, oui, submersion féminine, non.

L’heure tourne et nous n’avons toujours pas trouvé l’idée géniale qui nous permettrait de recruter en toute parité des femmes et des hommes de bonne volonté (notamment pour porter des kits sous terre…). Dada suggère, pour nous reposer les neurones, de remonter et d’explorer en chemin les galeries amont que je n’avais jamais faites. Mathieu marmonne quelque chose d’inaudible dans lequel il me semble reconnaître le mot « scabreux ». Et scabreuse, elle l’est cette progression faite d’escalades en opposition au dessus de trous béants, les bottes glissant sur des broches rouillées et tordues, de descentes sur des cordes moisies posées du temps de Michel Siffre, et le tout sans l’ombre d’une longe fédérale. Je jette l’éponge à quinze mètres du bout, trahi par mon genou et essoufflé par ce gymkhana. Lorsque Daniel revient, il me fait lourdement remarquer que j’ai raté de belles concrétions toutes blanches. Je lui rétorque que si j’aurais su j’aurais pas venu…

C’est donc en clopinant que je passe la tête hors du trou vers 14h40, et c’est avec un coucou suisse dans la tête que le Président suit de peu Mathieu à 15h précises.

En guise de bilan, Daniel regrette que nous n’ayons pas trouvé de solution miracle à nos problèmes de féminixité et espère que nous serons plus convaincants sur le stand du GSV au Forum des Associations, le 14 septembre. Mathieu marmonne encore quelque chose d’inaudible du genre « tu peux toujours rêver»...

Jérôme

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