2 févr. 2020

Campagne électorale au Riccounaum

Participants : Ondine, Jérôme, Daniel et Mathieu
TPST : 4h

En ce beau dimanche ensoleillé, le GSV se décide enfin à refaire une sortie à vocation spéléologique. A part une ou deux petites cachoteries par ci par là, je n'arrive plus à me souvenir de la dernière fois où j'ai fait de la corde. La seule chose dont je suis sûr, c'est que ce n'était pas cette année.

Pour cette reprise, le Président a voulu nous gâter. Il a fait appel à un ami qui a justement une cavité en cours d'exploration, un beau -166 avec quasiment que la corde. Nous le remercions très chaleureusement.

Nous avons aussi le plaisir de retrouver nos deux éclopés du genou, Ondine et Jérôme, qui sont venus faire une petite séance de ré-éducation. Ondine part avec un léger avantage. Après quelques manipulations pas reconnues par la faculté, elle n'a plus aucune douleur. Jérôme qui malheureusement ne peut pas en dire autant, laisse échapper quelques propos peu charitables sur les infortunés praticiens, que nous préférons taire par égare pour les oreilles délicates.

Tranquillement installés au bord du trou dans les bois de Gourdon, nous aurions pu continuer nos bavardages un bon moment, quand le Président nous interrompt pour nous dire de ne pas oublier que nous devons lui faire des procurations en laissant le champ vide pour dire à qui car lui ne peut en avoir que deux et disparait dans le trou. Jérôme qui a toujours le sens de la hiérarchie, lui emboite le pas aussitôt.

Ondine me regarde avec des yeux tout ronds de stupéfaction : "Notre bien-aimé Président ne serait-il pas en train de battre un peu de la casquette ?". Je lui dis que j'ai essayé de faire tout ce que j'ai pu pour lui cacher que les convocations sont arrivées par courrier électronique, mais il a fini par me demander pourquoi la sienne n'est pas encore arrivée par la poste.

"Convocations pour quoi ???". Je lui résume donc très rapidement que c'est une année élective pour le CDS, que le Président est très fâché de ne pas avoir été convoqué, mais qu'il va quand-même s'écraser car il veut absolument rester président.

"Moi, c'est hors de question que je devienne co-présidente avec lui, d'ailleurs je ne m'inscris pas à la fédé tant que les élections ne sont pas passées !". Heureusement j'ai une bonne nouvelle. Le ministère a fini par se rendre-compte que même en élisant d'office toutes les filles qui trainent encore en spéléo, on n'arriverait pas à remplir la moitié du comité directeur. Du coup, les élections restent individuelles et géronto-leucado-androcratiques.

Ayant réussi à rassurer la pauvre Ondine, celle-ci accepte finalement de rentrer dans le trou. Puis je ferme la marche. Il faut arriver à la refaire signer absolument, c'est notre dernière chance d'avoir au moins une fille au club. Car, il faut le dire, pour le moment cette année nous sommes à zéro. De là à dire que c'est de la faute aux tentatives d'élection par couple hétérosexuel, il y a un pas que je ne saurais franchir.

La descente commence par une petite pente en terre, puis quelques ressauts, et progressivement on enchaine sur de beaux puits. Ondine a filé. Je descends tranquillement en profitant du paysage. Arrivé en bas, je suis l'aval du méandre pour aller vers le fond. Ce n'est qu'au terminus que je les retrouve en train d'évaluer les travaux que s'avèreront nécessaires pour rejoindre la rivière qu'on entend pas très loin en-dessous.

Nous nous installons pour le repas. Jérôme sort une bouteille de vin du Piémont qui fera l'unanimité. J'en profite pour attaquer le Président sur ses ambitions d'instaurer une dictature à vie au CDS comme celle qu'il a instauré au GSV. Il nous dit que malheureusement, il n'a pas encore réussi à supprimer les élections, mais que comme personne n'osera se présenter contre lui, il est sûr d'être ré-élu.

Sentant bien qu'il a entièrement raison sur ce point, j'essaie de lui faire comprendre que vu qu'en quatre ans il n'a pas été foutu de faire quoique ce soit pour le CDS, c'est qu'il ne sert absolument à rien et qu'il ferait mieux de se retirer.

Ce sur quoi,  il me rétorque qu'un Président ne sert absolument à rien, qu'il le fait très bien, que c'est le secret de sa popularité et qu'il ne voit aucune raison de se retirer.

On aurait pu continuer encore longtemps ce dialogue de sourds, quand Ondine pour détourner l'attention nous demande quand ont lieu les élections. Le Président, bien que n'ayant pas été convoqué par la poste, nous déclare solennellement que c'est le vendredi 14 Février à 19h à la Ferme Bermond.

Notre petit Jérôme, qui jusqu'à présent n'avait jamais oser interrompre son Président, se met à exploser : "Ils sont fous ! C'est la Saint Valentin, ils n'auront personne !".

Avec tout le tact qu'il se doit, nous lui expliquons qu'il ne faut pas prendre son cas pour une généralité, que tout le monde n'a pas eu la chance de rencontrer une belle italienne, que en règle générale ça fait un moment que la plus part des spéléos ne sont plus amoureux que de leur perfo, et que de toute façon avec les élections municipales on aurait eu aucune chance de trouver une salle nulle part un autre jour.

Jérôme ayant trouvé pour une fois une raison valable de ne pas venir et ne risquant plus de nous interrompre, je porte la répartie contre le dernier argument présidentiel. Si il faut absolument un président qui ne sert à rien, il ne peut y avoir de meilleur choix que la charmante Ondine. Elle est classée hors catégorie et en plus elle permettrait de faire rentrer le CDS dans la modernité en élisant une femme pour la première fois.

Le Président est en difficulté, mais son fidèle Jérôme vient à son secours. Il a appris qu'en Californie le summum de la modernité c'est un homme qui s'habille en femme. Pour lui, personne d'autre que le Président ne peut mieux incarner la modernité. Je n'avais pas vu venir le coup, je suis KO debout...

Le Président prend la parole solennellement et déclare que ce ne sera pas possible... (Je respire mieux en remerciant le ciel pour cet éclair de lucidité présidentiel.) ... car dans la plus pure tradition maoïste l'uniforme spéléologique doit rester unisexe. (Je m'étais réjoui trop vite. Bonjour la modernité !)

 "La modernité est dépassée, nous sommes entrés dans l'ère de la post-modernité !". Tout le monde se tourne vers Ondine qui vient juste de parler, complètement captivé par l'oratrice. "La modernité ne peut pas aller au-delà d'une jeune fille Asperger qui sèche les cours le vendredi. Soit Elle devient Présidente du CDS, soit il n'y aura plus de CDS. Et de toute façon, on va tous mourrir !".

Certes, le Memento Mori est un horizon indépassable, mais j'ai quand-même un doute sur la personne. Elle ferait quand-même mieux de travailler à l'école plutôt que de se présenter au CDS. "Et elle ferait mieux d'arrêter de penser à l'entre-jambe des ours polaires !", s'empresse de rajouter Jérôme sous nos regards consternés.

Avant que la situation ne dégénère, je m'empresse de recadrer le débat sur un point beaucoup plus sérieux : il ne peut en aucun cas s'agir d'une Jeune Vierge car elle sévissait déjà dans les années 80 et 90. Elle aurait même pu accéder au sommet du pouvoir matriarcalo-autoritaire si elle n'avait été humiliée par un nain et délaissée par un moins que rien. On dit qu'elle prépare son retour, mais enfin elle arrive plutôt à un âge où on écrit un livre pour raconter comment on a été déshonorée par tout un troupeau d'éléphants roses à la fin des années 70. Il faut bien financer sa retraite. En ce moment, ça se vend bien.

Très calmement, Ondine me dit que je fais erreur et que je radote encore les histoires de ma jeunesse. Elle parlait bien d'une jeune fille d'aujourd'hui. Elle a du mal à comprendre comment avec tout le battage médiatique, je ne l'ai même pas remarquée car j'aurais forcément dû tomber sous le charme. Désolé, mais c'est complètement raté, je n'ai pas de télévision.

Sentant bien que la modernité ne se décline qu'en cinquante nuances de rouge et qu'on a même pas réussi à finir la bouteille, je commence à me dire que notre dictateur à vie n'est finalement pas si mal et qu'il vaut mieux remonter avant que la modernité ou la post-modernité ne nous rattrape.

Pour mieux digérer, Ondine et le Président sont partis visiter l'amont de la fracture. Malheureusement, je n'arrive pas à décider Jérôme à les suivre. Il a grossi. Il préfère remonter tout de suite. 

Je fais un petit tour rapide de l'amont que je connaissais déjà. Puis je m'empresse de remonter à mon tour avant que les deux politiciens professionnels ne salissent les cordes. Je bute assez rapidement sur Jérôme qui apparement depuis son départ n'a pas dépassé la vitesse moyenne d'un mètre par minute. 

Après un ou deux petits puits, je le retrouve allongé sur le dos à un pallier, complètement à l'agonie. Je passe par-dessus en lui disant qu'étant donné le temps depuis lequel je n'ai pas mis le nez à un entrainement secours, je ne peux décemment pas les appeler et que je vais devoir l'abandonner ici.

Ondine passe aussi par dessus en lui disant que, elle c'est encore pire, elle a trouvé moyen d'aller faire une sortie avec des gens peu recommandables lors du dernier entrainement, qu'ils ont été assez intelligents pour se garer sur le même parking et qu'ils se sont fait chopper. Elle n'a pas le choix, elle va aussi devoir l'abandonner.

Le Président ne vaut pas plus cher qu'Ondine et moi réunis point de vue participation aux secours, mais lui a absolument besoin de la procuration de Jérôme. Il se propose donc très charitablement de le tirer. Jérôme préfère décliner poliment la proposition et reprend tant bien que mal son ascension.

Emus par la grandeur d'âme du Président et rassurés sur l'état de santé de Jérôme, nous les attendons fréquemment et c'est en groupe que nous ressortons de la cavité.

La bouteille est miraculeusement ressortie avec Jérôme. Les plus assoiffé-e-s de nous quatre s'empressent de lui faire un sort.

Porté par l'euphorie, le Président déclare que si il est élu, il promet d'élargir l'Aven du Menhir. Pour ceux qui ne le connaitraient pas, c'est un aven qui figure en bonne place dans le guide des trous à ne surtout pas faire, édité par le CDS, pour cause d'étroitures infernales.

Ses partisans applaudissent et poussent des hourras à l'idée d'aller faire une visite inédite. Je lui fais quand-même remarquer que maintenant plus personne ne croit aux promesses des hommes politiques et que je ne suis pas sûr que ça suffise pour remporter l'élection.

"Eh bien, j'y vais mardi et je le mettrai au bilan de mon mandat !".  Le Président a réponse à tout. Tout le monde est conquis. Il est en bonne voie d'obtenir ses procurations !

Mathieu




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire